Un bus transportant une cinquantaine de migrants est arrivé à la frontière autrichienne samedi matin, le premier d'une centaine de bus affrétés par la Hongrie pour conduire des milliers de migrants en Autriche qui a accepté, avec l'Allemagne, de les recevoir, a annoncé la chancellerie à Vienne.

Cette décision, motivée par «la situation d'urgence actuelle à la frontière hongroise», a été annoncée au premier ministre hongrois Viktor Orban par le chancelier autrichien Werner Faymann, «en concertation» avec la chancelière allemande Angela Merkel, a précisé la chancellerie autrichienne à l'agence de presse APA.

Une centaine de bus ont été affrétés tôt samedi par le gouvernement hongrois, pour prendre en charge les migrants massés dans la principale gare de la capitale hongroise, ainsi que quelque 1200 migrants qui avaient entrepris de rallier l'Autriche à pied depuis Budapest, en une scène d'exode inédite qui illustre la crise migratoire à laquelle est confrontée l'Europe.

Le premier bus est arrivé tôt samedi matin au poste-frontière de Hegyeshalom-Nickelsdorf, sur la frontière autrichienne, selon l'agence officielle hongroise MTI. Il avait pris en charge une cinquantaine des migrants partis à pied sur l'autoroute reliant la capitale hongroise à l'Autriche.

D'autres véhicules sont partis de la gare de Budapest-Keleti dans la nuit du vendredi au samedi, transportant des candidats à une nouvelle vie qui attendaient un train pour l'Autriche et l'Allemagne. Mais les départs des trains avaient été bloqués par les autorités.

«Le gouvernement hongrois met à votre disposition des bus gratuits pour vous emmener à la dernière ville avant la frontière. Vous n'êtes pas obligés de les prendre», a crié un homme dans un mégaphone en arabe vendredi soir dans la «zone de transit», située sous la gare, où campent des migrants originaires de Syrie, d'Afghanistan, du Pakistan, d'Irak et de 50 autres pays.

Mohammed, 26 ans, originaire de Damas, s'est dépêché de rassembler ses biens: deux t-shirts, un livre, une paire de baskets et son téléphone. «J'avais plus d'affaires, mais le passeur en Turquie m'a dit de les laisser sur la rive», a-t-il expliqué.

À bord du bus, beaucoup ont dormi allongés à même le sol, épuisés, a constaté un journaliste de l'AFP à bord. «C'était impossible d'arriver à dormir à Keleti», selon Houman, un autre passager, âgé de 65 ans.

Certains veillaient, craignant d'être transférés dans un camp hongrois, mais l'inquiétude diminuait au fur et à mesure que le véhicule progressait vers l'ouest.

À 2000 kilomètres de là, dans la ville syrienne de Kobané (nord), quelques dizaines de personnes en pleurs ont assisté vendredi à l'inhumation d'Aylan Kurdi, ce petit garçon de trois ans mort noyé pendant qu'il tentait avec sa famille de rallier l'île grecque de Kos, et dont la photo du corps échoué sur une plage turque a envoyé une onde de choc dans le monde entier.

En Hongrie, où se sont rendus plus de 50.000 migrants pour le seul mois d'août - des arrivées sans précédent par leur ampleur -, un Pakistanais de 51 ans est mort en fin d'après-midi, dans des circonstances pas encore élucidées, quand 350 migrants se sont échappés d'un train immobilisé depuis jeudi à Bicske, près de Budapest, d'où les autorités souhaitaient les transférer dans un camp.

Béquilles et fauteuil roulant

Un cortège joyeux et déterminé de quelque 1200 migrants, selon une évaluation de la police, dont des personnes en fauteuil roulant ou s'aidant de béquilles, s'était mis en marche vendredi midi vers la frontière autrichienne, située à quelque 175 kilomètres de la capitale Budapest.

300 migrants s'étaient également brièvement échappés vendredi d'un camp de premier accueil situé près de la frontière serbe à Röszke, poussant Budapest à fermer provisoirement et partiellement ce poste-frontière autoroutier.

Dans ce contexte, le Parlement hongrois a voté d'urgence un durcissement de la législation en matière d'immigration. Les textes renforcent les possibilités de déploiement de l'armée aux frontières et rendent l'immigration illégale passible de trois ans de prison.

Est contre Ouest

La Hongrie critique vertement l'Allemagne, qui a décidé de ne pas renvoyer les réfugiés syriens vers leur pays d'entrée en Europe, ce qui crée selon elle un appel d'air.

Les Européens sont sous pression pour faire preuve de solidarité après que plus de 300.000 personnes ont traversé la Méditerranée depuis le début de l'année, et que plus de 2600 sont mortes en effectuant ce périple.

Les divergences au sein de l'Union, «entre l'Est et l'Ouest» selon le président du Conseil européen Donald Tusk, révèlent un continent déchiré entre la fermeté face à l'afflux massif de déplacés à ses frontières extérieures et les appels à la solidarité.

Le Haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, a appelé vendredi à la répartition d'au moins 200 000 demandeurs d'asile dans l'Union européenne. La veille, la Commission européenne avait proposé aux États membres de l'UE de se répartir l'accueil de 120 000 réfugiés.

L'Allemagne, qui va recevoir un nombre record de 800 000 demandes d'asile cette année, et la France plaident ouvertement pour un système de répartition européen, la chancelière Merkel évoquant des «quotas contraignants».

Dans le même temps, à Madrid et à Barcelone (Espagne), des centaines de personnes ont manifesté vendredi soir pour demander que les migrants soient davantage aidés.