La prise d'otages survenue en plein coeur du quartier des affaires de la métropole australienne s'est terminée dans le sang, hier. Les otages Tori Johnson et Katrina Dawson sont morts au terme du siège qui a duré plus de 16 heures. Le premier aurait été exécuté par le ravisseur, lui aussi tué lors de l'assaut, tandis que la seconde aurait succombé à une crise cardiaque pendant son transport à l'hôpital.

Un tonnerre de détonations a retenti vers 2h20, dans la nuit d'hier à aujourd'hui, à Sydney. Des otages sont sortis en courant du Café Lindt de Martin Place, et des policiers lourdement armés y sont entrés. En quelques minutes, le siège qui a tenu les Australiens en haleine était terminé.

«Nous avons dû déclencher un plan d'action d'urgence après avoir entendu des coups de feu», a expliqué le chef de la police de l'État de Nouvelle-Galles du Sud, Andrew P. Scipione, lors d'une conférence de presse tenue quelques heures plus tard, en fin de nuit.

Les autorités n'ont toutefois pas voulu expliquer dans l'immédiat comment les deux otages tués, Katrina Dawson, 38 ans et Tori Johnson, 34 ans, étaient morts. Elles ont par contre confirmé que le preneur d'otages était bel et bien Man Haron Monis, un réfugié iranien de 50 ans connu des services policiers.

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Man Haron Monis.

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Selon un reporter de la chaîne de télévision Seven News, dont les bureaux sont situés juste en face de l'endroit où la prise d'otages a eu lieu, une information parlant d'un «otage abattu» aurait été entendue sur les ondes radio de la police, ce qui aurait précipité l'assaut de la police. En conférence de presse, le chef de police a avancé que des «coups de feu» entendus dans l'établissement avaient déclenché l'assaut.

Les policiers ont lancé au moins quatre grenades assourdissantes - qui créent des éclairs de lumière et des bruits puissants - dans le but de désorienter l'assaillant, avec qui ils ont échangé un grand nombre de coups de feu. Un robot démineur a été envoyé à l'intérieur, mais aucun explosif n'a été trouvé. Pendant le siège, certains médias avaient rapporté que le preneur d'otages prétendait avoir installé des bombes dans le café et ailleurs dans le centre-ville de Sydney.

Parmi les 17 otages, 6 ont également été blessés, dont 4 gravement. Un policier a aussi été hospitalisé après avoir été atteint au visage par un coup de feu, mais il irait bien, selon le chef de police.

Une intervention «somme toute réussie»

Dans ce type d'intervention, les autorités sont conscientes que leur intervention peut se solder par la mort d'un certain nombre d'otages, explique Michel Juneau-Katsuya, ancien membre du Service canadien du renseignement de sécurité et de la Gendarmerie royale du Canada, qui a été témoin de telles opérations dans sa carrière.

«C'est un risque calculé, dit-il. Est-ce qu'on en perd un ou deux ou est-ce qu'on en perd quinze [si on n'intervient pas]?» Le risque de dénouement tragique étant d'autant plus élevé, selon lui, que les autorités avaient affaire à un «fanatique», ce qui lui fait dire qu'il s'agit d'une intervention «somme toute réussie».

«À un moment, il y a probablement quelque chose qui a cliqué chez le négociateur, qui a dû se dire: «Ça s'en va dans la mauvaise direction».» Le succès de l'opération réside alors dans la rapidité d'action, facilitée par l'utilisation de grenades assourdissantes, qui «permettent une intervention très, très rapide» en figeant l'assaillant.

«Une fraction de seconde qui fait la différence»

«Si on est capable de sauver des vies, on sauve des vies, mais il y a une fraction de seconde qui fait la différence. S'il a levé l'arme, à ce moment-là, il n'y a pas de négociations possibles, il n'y a pas d'hésitation, c'est trois balles.»

Michel Juneau-Katsuya ne s'étonne pas que le siège ait été si long. «Les deux parties ont intérêt à ce que ça traîne, estime-t-il. Le négociateur de la police peut peut-être espérer obtenir la libération de plus de gens», tandis que le preneur d'otages obtient une plus grande visibilité pour «créer une vague de terreur».

La prise d'otages avait commencé lundi matin, vers 9h45, quand Man Haron Monis a fait irruption dans ce café de Martin Place, une esplanade piétonne située au coeur de Sydney, près des bureaux du premier ministre de l'État de Nouvelle-Galles du Sud.

Durant de longues heures, les otages se sont relayés aux fenêtres du café pour y tenir un drapeau noir sur lequel on pouvait lire, en arabe: «Il n'y a de Dieu qu'Allah et Mahomet est son prophète». Plus de 40 organisations musulmanes australiennes ont condamné ce qu'elles ont qualifié de «détournement» de la shahada, la profession de foi de l'islam.

Lors d'échanges avec le négociateur de la police, le preneur d'otages aurait demandé un drapeau du groupe État islamique et une conversation téléphonique avec le premier ministre australien Tony Abbott.

L'Australie, engagée au côté des États-Unis dans la lutte contre le groupe État islamique (EI), a relevé en septembre son niveau d'alerte devant la menace terroriste représentée notamment par les combattants djihadistes australiens de retour d'Irak et de Syrie. Et à la fin du mois d'octobre, elle a durci sa législation antiterroriste en interdisant en particulier tout voyage sans raison valable vers des pays considérés comme des foyers du terrorisme international.

-Avec l'Agence France-Presse