Le gouverneur de Jakarta et réformateur Joko Widodo remporte l'élection présidentielle en Indonésie, première économie d'Asie du Sud-Est, après une lutte acharnée face à un ex-général controversé de l'ère Suharto, selon un décompte final publié mardi.

Surnommé Jokowi, Joko Widodo a recueilli 53,15 % des voix contre 46,85 % pour l'ex-général Prabowo Subianto, d'après le décompte final du scrutin du 9 juillet dans la troisième démocratie au monde.

La commission électorale devait faire une annonce formelle dans la soirée, confirmant ces résultats très proches des estimations réalisées dès le soir du scrutin, sur la base d'échantillons de bulletins de vote.

Avant même l'annonce des résultats, Prabowo a annoncé contre toute attente qu'il se retirait du processus, accusant le camp de son rival de «fraudes massives, structurées et systématiques», dans un geste de dépit qui apparaît comme une reconnaissance déguisée de sa défaite.

Les investisseurs dans la première économie d'Asie du Sud-Est espéraient une victoire de Jokowi, considéré comme un dirigeant honnête qui n'a été mêlé jusqu'ici dans aucune affaire judiciaire, contrairement à nombre d'autres hommes politiques de ce pays, l'un des plus corrompus au monde.

La victoire du gouverneur de Jakarta, populaire en particulier chez les jeunes aussi bien en milieu urbain que rural, a été accueillie avec enthousiasme par ses partisans, en particulier sur les réseaux sociaux.

«L'Indonésie sera une meilleure nation sous Jokowi, que Dieu vous bénisse!», a écrit sur Twitter Prettyinpink69.

Après le scrutin du 9 juillet, les tensions se sont exacerbées en raison de multiples accusations de fraudes et de tricherie de part et d'autre. Cette élection est la plus polarisée depuis la transition démocratique de l'archipel qui avait suivi la chute du dictateur Suharto en 1998, marquée par des violences qui avaient fait des dizaines de morts.

Plus de 250 000 policiers ont ainsi été mobilisés à travers le pays pour l'annonce des résultats, dont un peu plus de 3000 rien que pour assurer la sécurité du bâtiment de la commission électorale au centre de Jakarta.

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Prabowo Subianto, est un ancien gendre de Suharto qui a reconnu avoir enlevé des militants pro-démocratie à la fin de l'ère Suharto.

«Un énorme pas en avant»

L'élection de Jokowi, un ancien vendeur de meubles issu d'un milieu modeste et sans aucun lien avec le régime autocratique du passé, marque l'avènement d'une nouvelle génération d'hommes politiques dans le plus grand pays musulman au monde, avec près de 250 millions d'habitants.

Âgé de 53 ans, il entend poursuivre les réformes démocratiques de l'ère post-Suharto (1967-1998). Jokowi a connu une ascension fulgurante en politique, après être devenu maire d'une ville d'un demi-million d'habitants en 2005 et avoir été propulsé gouverneur de Jakarta en 2012.

L'arrivée de Jokowi, qui succédera en octobre au chef de l'État sortant et ex-général Susilo Bambang Yudhoyono, constitue «un énorme pas en avant» pour la jeune démocratie indonésienne, a déclaré à l'AFP l'analyste Paul Rowland.

«Il va apporter une conception de la gestion très différente, il est aussi la première personne à passer d'un gouvernement de niveau régional à la présidence», a ajouté M. Rowland.

Par contraste, Prabowo Subianto est un ancien gendre de Suharto qui a reconnu avoir enlevé des militants pro-démocratie à la fin de l'ère Suharto. Ayant fait fortune en se reconvertissant dans les affaires, l'ancien militaire de 62 ans a estimé récemment que la démocratie telle qu'elle était conçue en Occident n'était «pas adaptée à l'Indonésie».

Il dispose désormais de trois jours pour saisir la Cour constitutionnelle s'il entend contester les résultats.

Dès son arrivée à la présidence en octobre, Jokowi devra entreprendre des réformes impopulaires telles l'amélioration de la faible productivité de la main-d'oeuvre ou la réduction des coûteuses subventions accordées pour l'essence - son prix est l'un des plus bas de la région -, afin de relancer l'économie dont le rythme de croissance autour de 6 % depuis une décennie a légèrement ralenti depuis un an.

Outre la lutte contre la corruption, le nouveau président aura aussi la délicate tâche de maintenir l'attractivité du pays pour les investisseurs étrangers tout en tenant compte des appels à prendre des mesures protectionnistes.