Les États-Unis ont appelé samedi à un «rétablissement rapide de la paix et de l'ordre public» au sud du Kirghizstan et déclaré leur soutien aux efforts de l'ONU et de l'Europe pour faire cesser les violences ethniques.

«Les États-Unis surveillent de près la situation dans la république du Kirghizstan et appellent à un rétablissement rapide de la paix et de l'ordre public dans la ville d'Osh et là où des violences ethniques sont en cours», déclare un communiqué du département d'Etat.

Washington «soutient les efforts coordonnés par les Nations unies et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en vue d'aider à la paix et à l'ordre, ainsi que la fourniture d'assistance humanitaire aux victimes» dans la république d'Asie centrale», ajoute le communiqué.

L'OSCE, dont les bureaux sont à Bichkek, la capitale, et à Osh, s'est déclarée vendredi prête à aider à résoudre la crise.

La stabilité du Kirghizstan est primordiale aux yeux des États-Unis qui y disposent d'une base militaire, située près de la capitale, essentielle au déploiement des troupes américaines en Afghanistan.

Les violences à Och ont commencé dans la nuit de jeudi à vendredi par des bagarres entre Ouzbeks et Kirghiz qui ont dégénéré. Des voitures ont été endommagées et brûlées, des immeubles d'habitation incendiés.

Après Osh, le Kirghizstan a décrété samedi l'état d'urgence dans une deuxième ville du sud, Djalal-Abad, ordonné une mobilisation partielle de l'armée et autorisé les forces de l'ordre à tirer sans sommation sur les groupes armés.

Des milliers de femmes et d'enfants ouzbeks ont fui les violences en se rendant à Markhamat à la frontière proche de l'Ouzbékistan voisin, ce qui pourrait déboucher sur une crise humanitaire.

Depuis le soulèvement d'avril, qui avait fait 87 morts et conduit à la chute du régime du président Kourmanbek Bakiev, le Kirghizstan a connu plusieurs vagues de violences.

«Ils nous tirent dessus, ils nous tuent»

Des milliers de femmes et d'enfants ouzbeks ont fui les violences en se rendant à Markhamat à la frontière proche de l'Ouzbékistan voisin, ce qui pourrait déboucher sur une crise humanitaire. Tandis que l'Ouzbékistan se disait «extrêmement alarmé», le comité international de la Croix rouge s'est déclaré «profondément inquiet».

«Ils nous tirent dessus, ils nous tuent», crie une femme ouzbèke de 85 ans à Markhamat, dans le sud du Kirghizistan en proie à des violences interethniques. Commes des centaines d'autres désesépérés, elle cherche à se réfugier en Ouzbékistan voisin mais la frontière est fermée.

Assise par terre dans la poussière et portant un voile noir, l'octogénaire supplie: «Je veux aller en Ouzbékistan mais les garde-frontière ne me laisseront pas passer», lance-t-elle.

Une longue file de voitures et minibus s'est formée en direction de Markhamat, sur une route engorgée à quelques kilomètres de la frontière ouzbèke. Les véhicules sont remplis pour l'essentiel de femmes et des enfants.

Portant sa fillette dans les bras, une réfugiée vêtue d'une robe traditionnelle ouzbèke, est elle aussi désespérée: «J'ai trois enfants avec moi, ce sont des filles. Mon seul souhait est de traverser la frontière pour être en sécurité», dit-elle.

«Nous voulons seulement la paix au Kirghizistan, nous ne voulons pas la guerre avec les Kirghiz. Nous sommes proches, mais la plupart des Kirghiz ne le comprennent pas et nous souffrons de leurs agissements», explique une femme ouzbèke âgée.

«Il n'y a pas de temps à perdre»

L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW), dont le siège est à New York, a appelé la communauté internationale à soutenir le gouvernement kirghiz, pour empêcher que les troubles ethniques ne dégénèrent.

«Il n'y a pas de temps à perdre», a dit Andrea Berg, une responsable de HRW retranchée dans une maison à Och depuis le début des violences.

«Il y a de nombreux blessés dans les quartiers mahallas (ouzbeks) d'Och. Leur nombre pourrait atteindre plusieurs milliers», a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Les violences à Och ont commencé dans la nuit de jeudi à vendredi par des bagarres entre Ouzbeks et Kirghiz qui ont dégénéré. Des voitures ont été en endommagées et brûlées, des immeubles d'habitation incendiés.

La stabilité du Kirghizistan est primordiale, notamment pour les Etats-Unis qui y disposent d'une base militaire essentielle au déploiement des troupes américaines en Afghanistan.

Depuis le soulèvement d'avril, qui avait fait 87 morts et conduit à la chute du régime de M. Bakiev, le Kirghizistan a connu plusieurs vagues de violences.

 

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS DEPUIS LE SOULÈVEMENT D'AVRIL

AVRIL

- 6: Environ 1.500 opposants au président Bakiev envahissent le siège de l'administration régionale de Talas (nord-ouest). Les autorités s'engagent à réprimer ce «soulèvement armé». Des responsables de l'opposition sont interpellés.

- 7: Des milliers de manifestants tentent de forcer le siège de la présidence à Bichkek: affrontements avec les forces de l'ordre qui tirent sur la foule. Bakiev fuit vers le sud.

Etat d'urgence et «couvre-feu» décrétés. Les manifestants prennent la télévision, le parlement, incendient le siège du parquet général. Chute du gouvernement. L'opposition forme un gouvernement intérimaire dirigé par une ex-ministre des Affaires étrangères, Rosa Otounbaïeva.

- 9: A Djalal-Abad (sud), Bakiev qui refuse de démissionner, se dit prêt à négocier avec l'opposition pour éviter une guerre civile.

Le gouvernement indique que Bakiev et son entourage ont vidé les caisses de l'Etat. Il annonce des poursuites, notamment contre son frère Janych, chef de la garde présidentielle, qui aurait donné l'ordre de tirer sur les manifestants.

- 12: Bakiev apparaît devant des milliers de ses partisans.

- 14: La Russie annonce une aide de 50 millions de dollars à Bichkek.

- 15: Bakiev part au Kazakhstan, où il remet sa démission après des négociations coordonnées par Moscou et Washington (qui ont chacun une base militaire au Kirghizistan).

- 16: Bichkek prolonge d'un an l'accord sur la base de Manas, par où transitent des troupes américaines vers l'Afghanistan.

- 19: Cinq morts dans des affrontements avec la police dans la banlieue de Bichkek.

Bakiev quitte le Kazakhstan pour le Bélarus, où il affirme être toujours président.

- 22: Bichkek annonce une présidentielle et des législatives pour le 10 octobre, après un référendum sur une nouvelle Constitution le 27 juin.

MAI

- 4: Levée de l'immunité de Bakiev, inculpé de meurtres fin avril.

- 6: Bichkek demande au Bélarus d'extrader Bakiev.

- 14: Violences à Djalal-Abad entre partisans et opposants au gouvernement: un mort, près de 60 blessés.

- 19: Des affrontements font deux morts et une soixantaine de blessés à Djalal-Abad, où sont décrétés état d'urgence et couvre-feu jusqu'au 1er juin.

Le gouvernement confie les fonctions de président à Rosa Otounbaïeva jusqu'au 31 décembre 2011, annulant la présidentielle prévue.

JUIN

- 11: Des bagarres entre Ouzbeks et Kirghiz à Och (sud) et ses districts dégénèrent, entraînant des violences meurtrières, qui se poursuivent malgré l'instauration de l'état d'ugence et d'un couvre-feu jusqu'au 20 juin.

- 12: Les officiers retraités de la police et de l'armée sont appelés dans la région d'Och. Etat d'urgence décrété à Djalal-Abad.

Rosa Otounbaïeva, qui juge les violences «hors de contrôle» (au moins 69 morts et près de 850 blessés), demande une aide militaire à Moscou, qui n'accorde qu'une aide humanitaire.

Photo: AP

Des milliers tentent d'atteindre l'Ouzbékistan.