Dilma Rousseff a été écartée du pouvoir depuis une semaine et, en attendant son jugement dans la procédure en destitution, elle anime un gouvernement virtuel sur internet pour attaquer le président du Brésil par intérim, Michel Temer.

Inaccessible, isolée, autoritaire, sont les qualificatifs qui lui ont collé à la peau depuis son accession à la présidence en 2011, succédant au charismatique Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) son mentor politique.

Mais depuis son éloignement contraint de la présidence, Mme Rousseff (68 ans) s'est sensiblement rapprochée du public, du moins par écrans interposés, dans une forme de démocratie directe, avec des réponses aux internautes qui prennent la forme de mini-discours.

L'ancienne guérillera torturée sous la dictature (1964-1985) a retrouvé ses accents d'opposante de gauche, profitant de la tribune virtuelle pour défendre son bilan et surtout blâmer M. Temer, son vice-président depuis six ans et demi, qu'elle accuse d'avoir ourdi en «traître» le «coup d'État» parlementaire dont elle se dit victime.

Dans un dialogue avec les internautes, elle a ainsi réprouvé la suppression controversée du ministère de la Culture décidée par M. Temer. Sur une photo postée sur Facebook, on la voit poser souriante devant son ordinateur portable et aux côtés de son ex-ministre de la Culture, Juca Ferreira.

«Il est bon de rappeler que la création du ministère de la Culture a été l'une des premières mesures prises après l'obtention de l'élection présidentielle au suffrage direct. Ce n'est pas une coïncidence. La fin de la dictature (1964-1985) a été une période qui a permis au pays de pouvoir rêver de nouveau à plus de libertés», a écrit Mme Rousseff en réponse à une question sur la relégation du portefeuille de la Culture de ministère à secrétariat d'État.

«C'est comme s'ils voulaient revenir au passé autoritaire», a-t-elle également pointé.

«Attaque contre l'État de droit»

La présidente réélue en 2014 a utilisé le même canal pour échanger avec des internautes à propos des coupes sociales que prépare le nouveau gouvernement, et faire la promotion de «Bourse Famille», principal des programmes sociaux mis en place par Lula qui ont sorti 40 millions de personnes de la misère.

Elle était pour l'occasion accompagnée par l'ancienne ministre du Développement social et du Combat contre la faim, Tereza Campello.

Mme Rousseff ne laisse ainsi sans réponse pratiquement aucune mesure décidée par le gouvernement Temer.

Elle s'est élevée contre «la décision absurde et lamentable du gouvernement provisoire de violer la loi qui a créé l'EBC», l'agence publique de communication du Brésil dont le directeur, Ricardo Melo, a été limogé par un décret présidentiel pris par M. Temer.

«Encore une attaque contre l'État de droit démocratique», a-t-elle cinglé.

«Bisou au nom de la démocratie»

Mercredi, elle a félicité l'équipe du film brésilien Aquarius qui avait montré des pancartes contre ce «coup d'État» sur le tapis rouge du Festival de Cannes, et diffusé la vidéo de ce coup d'éclat.

«Merci pour votre soutien!» avait-elle écrit aux membres de «l'équipe extraordinaire» du film de Kleber Mendonça Filho, auxquels elle a envoyé «un bisou au nom de la démocratie».

À l'orée de sa mise à l'écart le 12 mai, certains l'imaginaient recluse dans sa résidence officielle de l'Alvorada, qu'elle a le droit d'utiliser pendant sa suspension d'un maximum de six mois, afin de préparer sa défense en vue du procès devant le Sénat pour «crime de responsabilité», après avoir maquillé les comptes publics pour minimiser l'ampleur des déficits.

Il n'en est rien: elle a prévenu qu'elle se déplacerait dans le Brésil et à l'étranger pour mener la bataille politique contre son «impeachment». Sans jamais quitter la Toile.