Le récent lynchage d'un jeune délinquant noir divise la société brésilienne, relançant le débat sur le racisme: quand un quotidien populaire de Rio dresse un parallèle avec les pratiques durant l'esclavage, des centaines de commentaires sur les réseaux sociaux dédouanent, eux, les auteurs du meurtre.

En mettant côte à côte la photo de Cleidenilson da Silva, 29 ans, ligoté nu à un poteau, et celle d'un Noir fouetté au pilori sous l'esclavage, le quotidien Extra, du groupe Globo, interrogeait mercredi: «les 200 ans qui séparent les scènes nous font réfléchir: avons-nous évolué ou régressé?».

La comparaison a suscité la polémique sur les réseaux sociaux où jeudi, 71 % des 1817 commentaires sur la page Facebook d'Extra soutenaient les bourreaux contemporains.

Habitant des favelas, le jeune homme a été lynché lundi après avoir tenté de perpétrer une attaque à main armée dans un bar de la banlieue de Sao Luis do Maranhao (nord-est), à 3000 km de Rio. Son complice de 16 ans a survécu aux coups et jets de pierres, en feignant d'être mort. Il a été sauvé par l'arrivée de la police.

Au moins deux suspects ont été identifiés et seront poursuivis pour homicide.

«Si en 1815, la foule assistait impuissante à la barbarie, en 2015, la majorité applaudit la sauvagerie», dénonce Extra.

Dans le journal jeudi, plusieurs spécialistes du sujet ont pris position, l'historien Luiz Antonio Simas regrettant «quatre siècles de culture esclavagiste» qui ont «banalisé la violence».

«Aujourd'hui, en 2015, on ose nous dire que les Noirs sont pauvres parce qu'ils n'aiment pas travailler!», s'insurge, auprès de l'AFP, Frère Davi Santos, directeur de l'Institut Educafro, dénonçant des stéréotypes racistes présents dans la société brésilienne.

«Le sang et la sueur des esclaves noirs ont servi à créer les infrastructures où sont venus travailler les Européens», que le Brésil a fait venir après l'abolition pour «occuper les postes dans l'industrie», rappelle-t-il.

Pour le député d'extrême gauche de Rio, Chico Alencar, «toute cette violence est le fruit de notre structure sociale. Les pays moins inégaux ne sont pas si violents», soulignant que «la population carcérale a augmenté de 574 % au cours des 25 dernières années et les registres d'actes violents de 174 % dans la dernière décennie».