Avec l'espoir d'en finir avec le modèle néolibéral actuel, les Costariciens votent dimanche pour le deuxième tour d'une élection présidentielle insolite où l'outsider centriste Luis Guillermo Solis affronte un candidat de droite qui s'est retiré de la course en raison de son retard dans les sondages.

M. Solis avait déjoué tous les pronostics en remportant par surprise le premier tour le 2 février, avec 30,8% des suffrages, devant Johnny Araya (29,6%), du Parti libération nationale (PLN, droite) de la présidente sortante Laura Chinchilla, et José Maria Villalta, le candidat de gauche, éliminé, avec 17%.

Puis nouveau coup de théâtre début mars, avec l'annonce par M. Araya, ancien maire de San José, qu'il se retirait de la compétition, ébranlé par des sondages lui prédisant une défaite aux proportions historiques (jusqu'à 45 points de retard).

Bien qu'il n'ait pas fait campagne pour ce deuxième tour, la Constitution ne lui permet pas d'annuler sa candidature et son nom figurera donc sur les bulletins de vote dans les bureaux ouverts de 06h00 à 18h00 locales (8h00 à 20h00 heure du Québec).

Incarnant les espoirs de changements, Luis Guillermo Solis, historien et universitaire de 55 ans membre du Parti action citoyenne (PAC), a promis de lutter contre la corruption, de favoriser une meilleure répartition des richesses face à des inégalités sociales croissantes et de relancer l'économie.

«Sans adversaire physique»

Il a regretté samedi le retrait de son concurrent, qui a créé une situation «étrange» où il se retrouve «sans adversaire physique».

«Il est légitime de dire qu'un gouvernement issu d'une élection étriquée, avec une forte abstention, aura un mandat beaucoup plus limité qu'un gouvernement désigné après une élection solide, massive», a insisté le candidat à un mandat de quatre ans, alors que la participation au premier tour avait été historiquement faible (31% d'abstention).

S'il était élu par les 3,1 millions d'inscrits que compte ce petit pays d'Amérique centrale, il serait le premier président à n'être pas issu des rangs des deux partis de droite (PLN et Parti Unité sociale-chrétienne, PUSC) qui se partagent le pouvoir depuis les années 60.

«Nous sommes parvenus à un point d'atrophie. Tout notre État est conçu pour un Costa Rica bi-partisan qui n'existe plus», juge à ce propos l'analyste politique Jaime Ordoñez.

Cette campagne électorale a été marquée par une atonie peu commune dans un pays parmi les plus stables d'Amérique latine, habitué à célébrer «la fête civique» que constituent les scrutins électoraux.

«Je passe partout et je n'ai vu aucune ambiance électorale nulle part, comme si cette campagne n'avait jamais réussi à s'échauffer», a ainsi commenté pour l'AFP Mariano Loria, taxi dans la capitale.

«Redresser la barque»

Pourtant, l'aspiration au changement transparaît, notamment dans le débat sur les réseaux sociaux, après le bilan économique calamiteux de l'équipe sortante.

Faustino Desinach, photographe de 54 ans, a ainsi confié à l'AFP qu'il n'avait «pas voté depuis plus de 30 ans» mais que cette fois-ci, il «va le faire» car il croit que «Luis Guillermo peut redresser la barque».

«L'heure du changement est venue pour le Costa Rica», clame d'ailleurs le candidat, lui-même ancien membre du PLN, qu'il a quitté en 2005, considérant que le parti, d'origine sociale-démocrate, avait trahi ses idéaux et adopté un modèle néolibéral sapant les piliers sociaux du pays que sont l'éducation et la santé, orgueil des 4,3 millions de Costariciens.

Symbolisant la continuité néolibérale, M. Araya a fait les frais du bilan de deux gouvernements consécutifs issus du PLN, marqués par des scandales de corruption et une mauvaise gestion économique, avec un déficit fiscal de presque 6% et une dette publique de 70% du Produit intérieur brut.

«Solis a réveillé beaucoup d'attentes. S'il instaure un style différent d'exercice du pouvoir, avec plus de dialogue, il aura de l'espace politique pour affronter des problèmes compliqués», comme la détérioration du système de Sécurité sociale ou des infrastructures routières, estime le sociologue Manuel Rojas.

Mais le futur président devra manoeuvrer avec un Congrès où le PLN dispose toujours de la majorité, avec 18 sièges sur 57, le PAC de 13, le Frente Amplio (gauche) de 9 et le PUSC de 8, les 9 restants se répartissant entre différentes formations conservatrices.