À deux semaines du premier tour, le Pérou se dirige vers une présidentielle des plus indécises, avec cinq candidats dans un mouchoir, et la montée en puissance du candidat de gauche nationaliste Ollanta Humala, qui fut il y a cinq ans le poulain du Vénézuélien Hugo Chavez.

Depuis trois mois, Alejandro Toledo, un économiste centriste de 64 ans déjà président de 2001 à 2006, était le net favori des sondages pour revenir au pouvoir et «redessiner le visage social» -son slogan- d'un Pérou à la croissance record (8,78% en 2010), mais profondément inégalitaire.

Les écarts ont fondu en quelques semaines, et pour la première fois ce week-end, Humala a été donné vainqueur du premier tour du 10 avril par un sondage, avec 21,2% d'intentions de vote, devançant la fille de l'ancien président Keiko Fujimori (19%) sur la même ligne que Toledo (18,6%).

Un ex-Premier ministre de droite, Pedro Pablo Kuczynski, arriverait 4e avec 16,1%, devant le maire sortant (centre-droit) de Lima Luis Castaneda (15,5%), selon l'enquête CPI, réalisée du 21 au 24 mars auprès de 4 668 personnes.

Toledo toutefois demeure favori, selon un autre sondage dimanche, avec 20,2% d'intentions de vote, talonné par un trio au coude à coude, Castaneda (19,2%), Fujimori (19,1%) et Humala (18,9%).

Davantage que les écarts infimes, les instituts de sondage soulignent la masse des indécis: «27%, plus d'un quart de l'électorat n'a pas encore décidé de son vote», a rappelé dimanche Manuel Saavedra, directeur de CPI.

Mais la remontée d'Humala, qui avait été battu au second tour en 2006, a suffi à déclencher un tir de barrage chez ses rivaux.

Ils dénoncent le risque de basculement du Pérou avec un candidat qui avoua jadis son admiration pour le chef de file de la gauche radicale latino-américaine, Hugo Chavez, qui l'avait ouvertement soutenu.

Ce soutien encombrant avait d'ailleurs joué un grand rôle dans la défaite d'Humala, face à Alan Garcia (centre-droit), qui l'avait dépeint sans relâche comme la «cinquième colonne» de Caracas.

Ces derniers jours, des analystes financiers ont même attribué à la remontée d'Humala dans les sondages une baisse du sol, la devise péruvienne, face au dollar -une analyse controversée.

Humala, très populaire dans les provinces pauvres du Pérou, qu'il arpente depuis bien avant le début de la campagne, affirme avoir «mûri» depuis 2006.

Il promet toujours de s'opposer à «la dictature des pouvoirs économiques», dit vouloir financer des programmes sociaux par un surcroît de taxes au puissant secteur minier. Mais il a nié une volonté d'«étatiser» l'économie, courtisé milieux d'affaires et église catholique.

«Il a mis le costume, juste ôté son polo rouge», a ironisé Keiko Fujimori.

Surtout, le Humala de 2011 a soigneusement pris ses distances d'avec Chavez ou le modèle vénézuelien.

Dimanche, il a dénoncé «une campagne de peur» orchestrée contre lui par «ceux qui refusent le changement» au Pérou.

Ainsi, accusé par ses rivaux de velléité de changer les institutions -comme Chavez- à son profit, il a reconnu qu'un changement de Constitution «peut être la voie efficace pour servir les besoins fondamentaux de la population, dont l'éducation et la santé. Mais pas pour se faire réélire indéfiniment, cela nuit à la démocratie».

Sans référence directe à un candidat, le Prix Nobel de la paix péruvien Mario Vargas Llosa a souhaité dimanche, dans une rare incursion dans la campagne, que le Pérou, «sur les bons rails depuis dix ans, se maintienne dans cette direction», tant économique que démocratique.