La police de Rio a repris la favela Vila Cruzeiro aux trafiquants de drogue qui ont pris la fuite, au terme d'une opération spectaculaire appuyée par six blindés et des véhicules amphibies, a annoncé jeudi soir le secrétaire à la Sécurité, José Beltrame.

Près de deux cents policiers d'élite et fusiliers ont été déployés pendant plus de cinq heures pour déloger les «narcos» de ce quartier, au cinquième jour d'affrontements armés qui se sont soldés par au moins 30 morts, 180 arrestations et près de 60 véhicules incendiés.

Les sept dernières personnes tuées, des «narcos» selon la police, ont été recensées jeudi après-midi dans une autre opération réalisée par 200 policiers civils dans la favela de Jacarezinho. Ces agents ont ensuite prêté main forte aux effectifs déployés à Vila Cruzeiro.

«Aujourd'hui, Vila Cruzeiro appartient à l'État», s'est félicité José Beltrame, même si les autorités sont toujours en alerte dans le reste de la ville et que de nouvelles opérations policières sont prévues vendredi.

Près de 200 «narcos» armés ont gravi la colline en courant, tandis que d'autres s'échappaient à moto ou en voiture, selon la police.

Ils cherchaient refuge dans une favela voisine du Complexo do Alemao, considéré comme l'un des bastions du crime organisé à Rio.

Des colonnes de fumée s'élevaient de la favela, les «narcos» brûlant des pneus pour empêcher la police d'avoir une bonne visibilité.

«La reprise d'un territoire de l'État qui était considéré par les narcos comme un endroit sûr prouve que la police entre n'importe où», s'est félicité le chef de la police civile Alan Turnowski.

«Nous avons fait un pas important, mais ce n'est pas gagné», a dit quant à lui José Beltrame.

«Nous savons que c'est une voie sans retour. On ne peut plus pousser les ordures sous le tapis», a-t-il ajouté.

À quatre ans du Mondial de football au Brésil et six ans des Jeux olympiques à Rio, les autorités cherchent à reprendre le contrôle de plusieurs quartiers de la ville aux narcotrafiquants, en déployant des moyens sans précédent.

«Je n'ai jamais vu ça! C'est une véritable opération de guerre avec des blindés, mais c'est nécessaire. C'est la seule manière d'affronter les trafiquants installés dans la favela», a déclaré à l'AFP Elias, 44 ans, directeur d'une école à Vila Cruzeiro.

C'est la première fois que des véhicules militaires de cette taille, des transports de troupes blindés dotés de mitrailleuses de calibre .50, sont utilisés depuis la création en 2008 des Unités de police pacificatrice («Upps») destinées à rétablir la paix et les services de l'État dans les favelas contrôlées par les trafiquants.

Les «narcos» s'étaient regroupés à Vila Cruzeiro, après l'installation des «Upps» dans 13 favelas de Rio d'où ils ont été expulsés.

Les autorités affirment que ces violences sont une riposte à la création de ces «Upps».

D'après les services de renseignement, deux grandes factions rivales du crime organisé ont conclu une trêve pour s'unir et tenter de déstabiliser ces unités.

Il s'agit du Comando vermelho (Commando rouge) et de l'ADA («amis des amis») qui dominent les deux plus grandes favelas de Rio, celles de la Rocinha -au sud de la métropole-  et du Complexo do Alemao -au nord de Rio.

Dix prisonniers, tous trafiquants de drogue, incarcérés à Rio et accusés de commander ces attaques, ont été transférés dans la nuit de mercredi à jeudi vers des prisons à sécurité maximale de l'État du Parana et de l'État amazonien de Rondonia à des milliers de kilomètres de Rio.

À Rio, près de deux millions d'habitants -soit un tiers de la population intra-muros de la ville- vivent dans plus de mille favelas. D'ici à 2014, cent d'entre elles seront «pacifiées».