En 1995, le journaliste du Washington Post David Maraniss a fait paraître First In His Class, une des meilleures biographies de Bill Clinton, qui lui a d'ailleurs valu un prix Pulitzer. Aujourd'hui, dans les pages du Post, il signe un article sur la chute de maison Clinton, attribuable en bonne partie à la colère des Américains de la classe moyenne et ouvrière dont celui que sa mère appelait Bubba s'était fait le champion lors de sa première campagne présidentielle.

C'est l'histoire d'un homme né dans un coin un peu perdu d'Arkansas, qui est passé au véganisme après s'être fait connaître par ses arrêts trop fréquents au McDo le plus près de son dernier rassemblement électoral. C'est l'histoire d'une femme élevée dans une ville de banlieue sans prétention d'Illinois, qui fraye désormais avec les élites côtières de son pays tout en faisant l'objet d'une haine sourde et troublante émanant des villes et des villages semblables à ceux où elle et son mari ont grandi.

Ni Bill Clinton ni Donald Trump n'ont jamais eu à affronter cette haine, qui a fait naître ce slogan - «Enfermez-la!» - interprété par une alliée de la candidate malheureuse du Parti démocrate comme l'expression d'une misogynie séculaire. Mais la chute de la maison Clinton ne tient pas qu'à ça.

Si éloigné soit-il aujourd'hui de sa ville natale de Hope, Bill Clinton a vite reconnu les signes du vent contraire auquel sa femme faisait face. Il les a vus non seulement dans la montée de Donald Trump lors de la course à l'investiture républicaine mais aussi dans celle de Bernie Sanders.

«Il a vu la colère et les sentiments de déconnexion, mais il ne savait pas comment lui ou la campagne de sa femme pouvaient les canaliser sans faire appel à la démagogie ou au faux populisme, chose qu'Hillary n'était pas capable de faire même si elle avait été prête à essayer», écrit Maraniss dans un passage de son article.

Lors d'un rassemblement récent au New Hampshire, Bill Clinton a cité ces vers de Yeats qui expliquent en partie la colère et la frustration de cette Amérique blanche qui a mis fin au rêve de sa famille de retourner à la Maison-Blanche :

Un sacrifice trop long/Peut faire d'un coeur une pierre.