L'un des «géants» américains des mathématiques John Nash, célèbre pour ses travaux sur la théorie des jeux qui lui a valu d'être co-lauréat du prix Nobel d'économie en 1994, est décédé samedi avec sa femme dans un accident de la route sur la côte est des États-Unis.

Le scientifique âgé de 86 ans et sa femme, Alicia Nash, 82 ans, qui ont inspiré le film A Beautiful Mind, réalisé en 2001, ont été éjectés d'un taxi dont le chauffeur avait perdu le contrôle sur une autoroute du New Jersey, a indiqué dimanche la police.

«Les passagers du taxi ont été éjectés» et sont morts samedi, a précisé à l'AFP le sergent Gregory Williams, en expliquant que le chauffeur avait «perdu le contrôle» du véhicule et heurté une barrière de sécurité sur le bord de l'autoroute.

John Nash et un autre mathématicien Louis Nirenberg, décrits comme «deux géants du XXe siècle» de la discipline, s'étaient vu attribuer le 25 mars le prix Abel de mathématiques de l'Académie norvégienne des sciences et lettres.

Mais John Nash n'a jamais obtenu la Médaille Fields, considérée comme la récompense la plus prestigieuse de la discipline vue comme l'équivalent du prix Nobel de mathématiques.

Dans le film A Beautiful Mind, réalisé par Ron Howard et sorti en France en 2002, son personnage est interprété par Russell Crowe.

Le film décrit à la fois son génie mathématique et sa schizophrénie, apparue après son mariage avec Alicia en 1957, qui lui faisait imaginer qu'un agent fédéral américain lui proposait d'aider secrètement le gouvernement à décrypter des messages d'espions russes dans la presse.

Après une hospitalisation et l'aide de sa femme il parvient à contrôler ses hallucinations.

Russell Crowe s'est dit sur Twitter «sous le choc». «Sous le choc... mes pensées vont à John et Alicia et à leur famille. Ce fut une collaboration extraordinaire. Des esprits d'exception, de très grands coeurs», écrit l'acteur.

Le réalisateur Ron Howard a estimé sur Twitter que c'était «un honneur» de raconter la vie de ce «brillant prix Nobel» et de sa «remarquable femme».

«Équilibre» entre les joueurs

Le ministre grec de l'Économie, Yanis Varoufakis, également professeur d'économie, qui l'a rencontré, a salué une «source d'inspiration».

Le président de l'Université de Princeton, où il travaillait et a fait sa thèse sur la théorie des jeux, Christopher L. Eisgruber, a loué «les travaux remarquables de John (Nash) qui ont inspiré des générations de mathématiciens, d'économistes et de scientifiques».

John Nash est né le 13 juin 1928 à Bluefield, en Virginie occidentale d'un père ingénieur, qui avait servi en France pendant la Première Guerre mondiale, et d'une mère enseignante devenue partiellement malentendante des suites d'une maladie. Il a une soeur, Martha.

Le scientifique avoue, dans son autobiographie publiée par l'organisation des prix Nobel, avoir dévoré petit une encyclopédie que ses parents lui avait offert.

Au lycée, il lit comme une prémonition une histoire des mathématiques, «Men of Mathematics» de E.T. Bell, avant d'étudier le génie chimique et la chimie à l'université Carnegie Mellon de Pittsburgh, puis de bifurquer vers les mathématiques pour son diplôme.

Les prestigieuses universités d'Harvard et de Princeton ouvrent leurs portes au brillant étudiant. Il choisit Princeton, car c'est «plus près de Bluefield».

S'en suit un doctorat sur la théorie économique des jeux, suivi de diverses publications et découvertes dans la géométrie différentielle ou les équations dérivées partielles. Il fait carrière à Princeton et à l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT).

Avec sa théorie des jeux non coopératifs publié en 1950 et pour laquelle il partage le Prix Nobel d'économie en 1994 avec les économistes américain John Harsanyi et allemand Reinhard Selten, il montre qu'il y a toujours un «équilibre» entre les joueurs --connu sous le nom d'«équilibre de Nash»-- puisque aucun ne peut modifier seul de sa stratégie sans affaiblir ses gains.

L'agence du renseignement NSA (National security agency) avait organisé en 2012 une exposition sur John Nash, qui avait proposé de développer une machine pour crypter et décrypter les messages.

Il a épousé en 1957 Alicia, une physicienne du MIT, avec laquelle il aura un fils, après un autre fils aîné né d'une précédente liaison. Le New York Times indiquait pour sa part qu'il avait aussi eu des liaisons homosexuelles.