Le choix des mots a une importance cruciale en diplomatie, et les propos amicaux prononcés par le gouvernement canadien cette semaine envers les Palestiniens n'ont rien d'anodin, estiment les experts.

Selon eux, le changement de ton clair du gouvernement de Stephen Harper envers l'Autorité palestinienne doit être interprété comme un double soutien. D'abord un appui au secrétaire d'État américain John Kerry, qui vient de lancer les premières négociations de paix israélo-palestiniennes en trois ans, puis un appui au processus de paix lui-même alors que s'ouvre dans quelques jours l'Assemblée générale de l'ONU.

«Il y a eu, très clairement, un changement de rhétorique du gouvernement Harper», observe Costanza Musu, professeure en affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa.

Jeudi, le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, a reçu son homologue de l'Autorité palestinienne Riyad al-Maliki à Ottawa. En conférence de presse, M. Baird a qualifié son invité «d'ami» à répétition, annonçant du même coup que le Canada sera le tout premier pays à contribuer au nouveau fonds d'aide aux Palestiniens lancé par le secrétaire Kerry.

Mme Musu souligne qu'il n'y a pas là d'incohérence. Le Canada a donné 300 millions aux Palestiniens au cours des cinq dernières années, et la nouvelle contribution de cinq millions est symbolique.

Mais par ses déclarations et ses actions, le gouvernement Harper s'était bâti une image nettement pro-israélienne, autant à la maison qu'à l'extérieur.

«La rhétorique penchait seulement d'un côté, dit Mme Musu. Le gouvernement canadien parlait sans cesse du besoin de sécurité d'Israël, sans aborder les enjeux palestiniens.»

L'an dernier, la décision du Canada de voter contre l'accès de la Palestine au statut d'observateur non membre à l'ONU avait déclenché les foudres de l'Autorité palestinienne, qui avait affirmé que le Canada était "disqualifié" pour jouer tout rôle dans un éventuel processus de paix.

Selon Mme Musu, il est possible que l'évolution de la position diplomatique du Canada relativement aux Palestiniens ait été réclamée par les États-Unis, qui cherchent à obtenir des appuis internationaux aux pourparlers de paix.Elle estime que le changement de ton du Canada ne signifie pas une diminution de son appui à Israël.

«Je serais très surpris que le gouvernement israélien voie un quelconque problème à ça», dit aussi David Pollock, un ancien conseiller du gouvernement américain pour le Moyen-Orient, aujourd'hui associé au Washington Institute.

Même de Washington, l'expert a noté les mots employés par le gouvernement canadien.

«Au Canada, vous voyez peut-être ça comme un changement de politique de la part du gouvernement canadien. À mon avis, il s'agit davantage d'un changement de politique de la part de l'Autorité palestinienne», dit-il.

M. Pollock rappelle que les Palestiniens ont renoncé récemment à tenter d'obtenir unilatéralement des reconnaissances internationales. Ils se sont aussi présentés aux négociations lancées par John Kerry sans poser leurs conditions habituelles, par exemple un gel des colonisations par Israël.

«Je vois l'attitude canadienne comme une réaction logique et modérée à un changement plus significatif des Palestiniens», dit M. Pollock.

Apaisement

L'expert rappelle que l'Assemblée générale de l'ONU s'ouvre mercredi à New York et qu'il sera important que des mots d'apaisement soient prononcés tant par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou que par le président de l'Autorité palestinienne.

«Le Canada et d'autres pays devraient non seulement espérer ça, mais aussi travailler à l'arrière-scène pour que de tels mots soient prononcés», dit M. Pollock, qui croit que la conférence de presse tenue jeudi à Ottawa s'inscrit dans cet objectif.