Trois personnes de retour aux États-Unis d'un voyage en Allemagne pourraient avoir été contaminées par la souche de la bactérie ECEH, qui a déjà fait 18 morts en Europe, a indiqué jeudi à l'AFP un porte-parole des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC).

«Pour le moment ces cas sont suspects», a dit Tom Skinner, précisant que les CDC attendaient des échantillons de sang de ces individus pour pouvoir apporter une confirmation.

Il a également précisé que ces trois personnes s'étaient rendues en Allemagne récemment, pays le plus touché par cette épidémie, mais sans pouvoir indiquer quelle pourrait être la source alimentaire de la contamination.

Une bactérie porteuse de gènes mortels

L'épidémie est due à une forme mutante de la bactérie ECEH porteuse de gènes mortels, a annoncé jeudi l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La Russie a, elle, interdit les importations de légumes en provenance de tous les pays de l'Union européenne.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la souche de la bactérie Escherichia coli entérohémorragique (ECEH) qui frappe l'Allemagne et d'autres pays européens n'a jamais été détectée auparavant. Les premières analyses génétiques suggèrent qu'il s'agit d'une forme mutante de deux bactéries ECEH différentes, porteuse de gènes mortels.

«Il s'agit d'une souche unique qui n'a jamais été isolée auparavant chez des patients», a précisé à l'Associated Press Hilde Kruse, experte en sécurité alimentaire à l'OMS. Cette nouvelle souche a «diverses caractéristiques qui la rendent encore plus virulente et productrice de toxines» que la plupart des souches ECEH naturellement présentes chez l'humain.

À ce jour, plus de 1600 personnes ont été infectées, dont environ 470 ont développé une insuffisance rénale rare, le syndrome hémolytique et urémique (SHU). Dix-huit décès ont été recensés: 17 en Allemagne et un en Suède. L'épidémie a frappé au moins neuf pays européens, mais la quasi-totalité des patients vivent en Allemagne ou y ont récemment séjourné.

Les scientifiques estiment que l'épidémie est due à «une toute nouvelle souche ECEH extrêmement toxique porteuse de gènes résistant aux antibiotiques», selon un communiqué du laboratoire chinois BGI, qui collabore avec l'hôpital universitaire de Hambourg dans la recherche des causes de l'épidémie. Les chercheurs chinois ont découvert qu'il s'agissait d'une souche similaire à une souche isolée en République centrafricaine et responsable de diarrhées graves.

Hilde Kruse a expliqué que la provenance de cette nouvelle souche pourrait être animale, expliquant que des souches de bactéries à la fois humaines et animales peuvent facilement échanger des gènes, comme cela est par exemple parfois le cas avec le virus Ebola. «On devrait penser à une source animale», a-t-elle déclaré. «De nombreux animaux sont porteurs de divers types d'E. coli productrices de toxines».

Incriminés dans un premier temps, les concombres espagnols ont depuis été disculpés par des analyses. Mais l'impact de la mise en cause sur la filière légumière ibérique a été important et a entraîné la paralysie des exportations.

La Russie a annoncé jeudi qu'elle interdisait les importations de légumes en provenance de tous les pays de l'Union européenne. Lioubov Voropaïeva, porte-parole de l'Agence russe chargée de superviser les droits des consommateurs, a précisé à l'AP que cette interdiction entrait immédiatement en application pour une période indéterminée.

Le patron de l'agence, Guennadi Onichtchenko, a de son côté expliqué que cette «mesure impopulaire» resterait en vigueur jusqu'à ce que les responsables européens aient informé Moscou de l'origine de la contamination et des modes de propagation. «Combien d'autres vies de citoyens européens faudra-t-il pour que les responsables européens s'attaquent à ce problème?», a-t-il dit à l'agence RIA Novosti.

Les autorités russes avaient interdit lundi les importations en provenance d'Espagne et d'Allemagne, mettant en garde contre une possible extension de la mesure. Aucun cas ni aucun décès dû à la bactérie n'a été rapporté à ce jour en Russie.

L'Union européenne a jugé disproportionnée la réaction de la Russie. Frédéric Vincent, porte-parole du Commissaire à la Santé John Dalli, a précisé que la Commission allait écrire à l'Agence russe pour obtenir une clarification.

Le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero s'en est pour sa part pris jeudi à la Commission européenne et à l'Allemagne, annonçant que Madrid demanderait «des explications satisfaisantes et des réparations suffisantes».

- D'après Associated Presse et Agence France Presse