Le procès de l'ancien chauffeur d'Oussama ben Laden, Salim Hamdan, pourrait rapprocher les États-Unis de leur objectif de fermer la prison de la base navale de Guantanamo, à Cuba, en clarifiant le statut juridique de près d'un tiers des quelque 250 hommes qui y sont toujours retenus prisonniers.

Le jury militaire chargé de ce dossier, le premier procès pour crimes de guerre à se tenir en territoire américain depuis la Seconde Guerre mondiale, a délibéré pendant environ huit heures, sur trois jours, avant de reconnaître mercredi Salim Hamdam coupable de soutien au terrorisme. Il a été disculpé du chef d'accusation de complot terroriste.

Les juges ont estimé qu'il n'était pas conscient que son travail pouvait servir à des actes terroristes, et qu'il n'avait pas pu approvisionner Al-Qaida en missiles sol-air. A l'issue de son procès, qui a duré dix jours, Hamdan, qui se tenait la tête dans les mains en pleurant à l'énoncé du verdict, risque la prison à vie.

La Maison Blanche s'est dit satisfaite du résultat de ce procès. «Nous sommes contents que Salim Hamdan ait eu un procès équitable», a déclaré le porte-parole adjoint Tony Fratto. Il a précisé que Hamdan était présumé innocent et qu'il avait eu la possibilité de se défendre contre les accusations de crimes de guerre qui pesaient contre lui.

L'avocat commis d'office de Hamdan, le commandant de marine Brian Mizer, a au contraire déclaré qu'il ne pensait pas que ce procès ait jamais eu une chance d'être équitable. Il a affirmé que le juge a accepté des preuves qu'aucun autre tribunal n'aurait reçu, et que les interrogations de son client étaient basées sur des techniques coercitives comme la privation de sommeil ou le confinement solitaire.

Environ 80 des quelque 265 hommes retenus à Guantanamo doivent être jugés par des tribunaux militaires. Le procès de Salim Hamdan, retardé par des années de recours juridiques qui sont montés jusqu'à la Cour suprême des Etats-Unis, montre que ces autres cas peuvent désormais être traités.

L'administration américaine affirme depuis longtemps qu'elle veut fermer le centre de détention de Guantanamo, mais elle veut que les prisonniers qui ne sont pas destinés à être poursuivis par la justice américaine soient récupérés par leurs pays d'origine.

Désormais, ceux qui sont poursuivis pourraient plus facilement être incarcérés dans des prisons aux Etats-Unis pour purger leur peine. Le procureur en chef des tribunaux de Guantanamo, le colonel Lawrence Morris, a même prédit que ces procès pourraient ressembler à des lancements de navettes spatiales, si routiniers que l'opinion publique n'en tient même plus compte.

«Nous sommes confiants dans le fait que nous pouvons juger des cas avec les critères judiciaires les plus élevés», a expliqué le colonel Morris avant que le jury, six officiers américains choisis par le Pentagone, ne rende son verdict.

L'armée n'a pas dit où Hamdan, un Yéménite d'une trentaine d'années, purgerait sa peine. Elle a même laissé entendre qu'il pourrait être détenu indéfiniment à Guantanamo.

Hamdan n'a jamais prétendu être plus qu'une figure mineure d'Al-Qaïda, un chauffeur de Ben Laden. Il a été capturé à un barrage routier en Afghanistan avec deux missiles sol-air dans sa voiture.

Il est accusé d'avoir conspiré avec Al-Qaïda dans ses projets d'attentats contre les Etats-Unis, mais ses avocats assurent qu'il n'est qu'un simple employé de Ben Laden, resté avec lui pour un salaire de 200 dollars par mois.

Un porte-parole du Pentagone, le commandant Jeffrey Gordon, qui sert dans la Marine, a estimé que l'aboutissement de ce procès marquerait «un signe important de progrès» dans les efforts de l'administration Bush visant à fermer Guantanamo.

L'armée américaine a déjà renvoyé plus de 500 détenus de Guantanamo dans leur pays d'origine, où la plupart ont finalement recouvré la liberté.

Certains observateurs, observant le statut relativement mineur d'Hamdan dans Al-Qaïda, estiment que son procès est essentiellement un point de départ, censé ouvrir la voie à d'autres procès de terroristes présumés. Le principal événement sera le procès de cinq hommes soupçonnés d'être directement impliqués dans les attentats du 11-Septembre, dont Khalid Cheikh Mohammed et Ramzi Binalshibh. Il pourrait débuter d'ici la fin de l'année.