Sur la base navale de Guantanamo, où les baraquements côtoient les iguanes et où l'uniforme de camouflage est de mise, se tient un procès aux allures de procès civil.

Mais c'est bien d'un procès militaire qu'il s'agit, organisé devant un tribunal d'exception.

N'étaient les uniformes des six jurés, observateurs et journalistes autorisés à pénétrer dans la salle d'audience où se tient le procès de Salim Hamdan, ancien chauffeur d'Oussama ben Laden, verraient un procès des plus classiques.

Accusé de «complot» et de «soutien matériel au terrorisme», l'homme, âgé d'une quarantaine d'années dont six passées à la prison de Guantanamo, à peine visible par les visiteurs extérieurs, encourt la prison à vie.

Installé au milieu de ses avocats comme n'importe quel accusé aux États-Unis, totalement libre de ses mouvements, M. Hamdan ne se distingue que par le casque qu'il a fiché sur son turban blanc et qui lui permet de suivre les débats traduits en arabe.

Face à la barre, où se succèdent depuis trois jours à tour de rôle la dizaine d'avocats de la défense et de l'accusation -- dont certains, désignés par le Pentagone, sont en uniforme --, les témoins sont installés dans un box équipé d'un écran où sont projetés les documents, photos et vidéos présentées par les parties.

A leur gauche, le président, en robe, est installé dans un box légèrement surélevé. Un militaire garde une présence discrète derrière lui. Non loin, une carte d'Afghanistan et un missile sol-air, pièce à conviction trouvée selon l'accusation dans le coffre de la voiture que conduisait M. Hamdan le jour de son arrestation.

Pour accéder à la salle, chaque visiteur doit se soumettre à un double contrôle de sécurité, portique et fouille corporelle. Un cahier et un crayon sont autorisés à l'intérieur, mais rien d'autre.

A procès d'exception, fait exceptionnel cependant: les débats sont filmés et retransmis quelques pas plus bas, dans la salle de presse installée dans un vaste hangar à l'abandon. Une trentaine de journalistes y suivent les débats.

Peut-être pour cette raison, une plaque de bois moulé a été installée derrière le président, donnant l'illusion, à l'image, que la salle est entièrement couverte d'élégants panneaux.

La moquette rouge et la dizaine d'écrans plats font le reste pour montrer les efforts fournis par l'armée américaine pour donner à ce procès l'allure d'un procès civil, ce qu'il n'est pas, au grand dam des avocats de la défense, militaires compris.

«Nous avons toujours répété que les commissions militaires tiendraient des audiences justes et équitables», a déclaré à l'AFP Jeffrey Gordon, porte-parole du Pentagone. «Le pays est en guerre», a-t-il rappelé. «C'est le moyen qui convient pour juger des crimes de guerre».

«Ca ressemble à un procès civil, mais ça pose de nombreux problèmes», a contesté devant la presse le colonel Steve David, responsable des avocats de la défense. «Nous avons la justice la plus respectée au monde (...) et nous avons inventé les commissions militaires !», a-t-il regretté.

Car Guantanamo est avant tout un camp militaire. A «Camp Justice», nom donné à la zone qui accueille les procédures judiciaires, une vingtaine de soldats, chargés d'escorter et de répondre aux questions des journalistes, rivalisent de sourires et de politesses, mais pour cantonner ceux-ci entre la salle de presse et leurs confortables tentes.