La Ville de Grenoble, dans le sud-est de la France, entend réduire radicalement la présence de la publicité dans ses rues en éliminant, à partir de janvier, des centaines de panneaux aménagés à cette fin.

La municipalité, sous la gouverne d'un maire écologiste, Eric Piolle, a annoncé il y a quelques semaines à la firme JCDecaux sa décision de ne pas reconduire le contrat permettant leur exploitation.

L'entreprise perdra, par le retrait progressif sur quatre mois de panneaux de formats divers, plus de 2000 mètres carrés de surface d'affichage. Une partie des espaces libérés sera remplacée par des arbres et des affiches de plus petite taille qui pourront provenir d'associations et d'entreprises locales.

Lucille Lheureux, responsable des espaces publics à la Ville, a indiqué hier en entrevue que l'administration municipale souhaitait permettre aux acteurs de la ville de se «réapproprier» l'espace public tout en réservant une place accrue à la nature.

«Les grands panneaux détournent l'attention de la vie de quartier et mettent de l'avant de grandes marques sans lien avec notre ville. Les petits commerçants n'arrivent pas à se faire voir à ce niveau parce qu'ils ne peuvent les payer», relève-t-elle.

La décision reflète aussi la volonté de Grenoble de rompre avec le modèle de consommation de masse encouragé par les panneaux.

Les écologistes se réjouissent

L'initiative a été accueillie avec enthousiasme par des groupes écologistes comme Paysages de France, qui milite depuis des années pour une réduction de la publicité dans l'espace public.

L'organisation, basée à Grenoble, a souligné dans un communiqué qu'il s'agissait d'une «victoire symbolique importante» qui reflète sa volonté de faire de la ville un laboratoire «ayant vocation à servir d'exemple au niveau national».

Le Collectif des déboulonneurs, qui milite depuis des années pour réduire de façon draconienne la taille des panneaux publicitaires autorisés, décrit la décision de la municipalité comme un acte «profondément subversif».

Dans une tribune publiée par le quotidien Libération, ses membres dénoncent le fait que nombre d'élus locaux à l'échelle nationale acceptent sans rechigner la présence de panneaux publicitaires sur la voie publique en contrepartie de redevances et de l'aménagement de services publics comme des abribus.

JCDecaux, qui dit avoir implanté ce modèle dans plus de 7000 villes, incluant près de 4000 en France, a mal accueilli la décision «politique» de Grenoble. Il s'agit d'un cas «unique et isolé» qui va à l'encontre de la tendance mondiale, note l'entreprise, qui conserve pour l'heure le droit de diffuser de la publicité sur les abribus de la ville.

La firme rappelle que São Paulo, au Brésil, a fait marche arrière cinq ans après avoir légiféré pour faire disparaître la publicité dans l'espace public. Et que plusieurs grandes villes concluent des ententes de partenariat comme celles qu'elle propose pour développer le «mobilier urbain».

Les dirigeants de JCDecaux affirment par ailleurs que Grenoble se privera de redevances annuelles de près de 1 million de dollars en raison du retrait des panneaux ciblés.

La municipalité affirme pour sa part qu'elle a déjà pallié la perte de revenus découlant de sa décision en annulant une hausse de rémunération des élus votée par la précédente administration.

Les réserves de JCDecaux n'étonnent pas outre mesure Mme Lheureux. «Pour eux, ce n'est pas agréable de perdre un marché. D'autant plus que notre initiative peut créer un appel d'air», dit-elle.

«On reçoit beaucoup de réactions positives d'habitants de Grenoble et de toute la France, y compris d'élus qui nous demandent où on en est», ajoute la porte-parole.