C'est une des pistes les plus sérieuses pour freiner le réchauffement climatique, mais de l'Europe aux États-Unis, le captage et le stockage de CO2 patinent un peu partout dans le monde, à l'image de l'échec confirmé mardi d'un appel d'offres de Bruxelles.    

Enfouir le principal gaz à effet de serre dans le sous-sol plutôt que de le relâcher dans l'air offre une version «propre» des énergies fossiles polluantes (charbon, pétrole, gaz...) dont le monde peine à se passer.

Mais les mauvaises nouvelles se multiplient, sur fond de disette budgétaire et de reculs à répétition de nombreux pays sur leurs objectifs climatiques.

La commissaire européenne Connie Hedegaard a ainsi confirmé mardi qu'aucun des huit projets d'envergure (quatre au Royaume-Uni, un aux Pays-Bas, en Pologne, en France et en Italie) en lice dans un premier appel d'offres n'avait réuni à temps les financements nécessaires.

«Nous ne savons pas à quel point cette technique sera prometteuse, et nous ne connaissons pas les délais, mais nous devons essayer quelques projets», a-t-elle assuré.

Rescapé, le projet Ulcos de captage du CO2 de l'aciérie de Florange dans l'est de la France a lui été retiré par ArcelorMittal «pour des raisons techniques».

L'espoir repose désormais sur un deuxième appel d'offres l'an prochain.

«Ce que la Commission a dit, c'est que les États membres ne s'étaient pas suffisamment engagés financièrement pour que les projets puissent sortir», explique à l'AFP Philippe Paelinck, qui dirige les opérations de captage et de stockage de CO2 de l'industriel français Alstom.

Dans le montage proposé, Bruxelles prenait en charge la moitié du coût des projets (avec environ 1,5 milliard d'euros - près de 2 milliards de dollars - tiré de l'émission de quotas de CO2), les États payaient une partie, laissant à la charge des industriels seulement 10 à 25 % des investissements.

Principal responsable de cet échec, selon les experts : le prix très faible de la tonne de CO2 en Europe, tombé à des plus bas historiques sur le marché mis en place par l'UE, et a fortiori l'absence d'incitations dans d'autres pays.

«Nos clients ne voient pas de prix du CO2 sérieux, en tout cas pas avant 2020, et ils se disent tous : "Pourquoi on s'engagerait dans l'aventure maintenant?"», souligne M. Paelinck. «La raison principale de la frilosité, c'est ça».

Selon le Global CCS Institute, seules huit installations de grande taille sont déjà opérationnelles à travers le monde (4 aux États-Unis, 2 en Norvège, 1 au Canada et 1 en Algérie), huit devant être inaugurées d'ici 2015, essentiellement en Amérique du Nord. A cela s'ajoutent 20 à 30 petits démonstrateurs.

Le captage-stockage de CO2 « n'a pas décollé comme prévu », a constaté mardi l'Agence Internationale de l'Énergie.

« Pour que plus de projets se fassent, il faudrait une tonne de CO2 à environ 50 dollars », soit près de huit fois leur niveau actuel en Europe, souligne Robin Mills, auteur du livre Capturing Carbon.

Mais comment expliquer que les États unis et le Canada, qui n'ont pas de marché carbone comme les Européens, aient été pionniers?

« Le stockage de CO2 n'y est pas fait pour des raisons environnementales. Il est injecté dans des champs de pétrole pour améliorer le taux de récupération des gisements », souligne M. Mills.

Mais un autre obstacle est récemment apparu outre-Atlantique : avec l'effondrement des prix du gaz naturel lié à l'exploitation des gaz de schiste, les projets de centrales électriques à charbon, les plus émettrices de CO2 et donc les plus attractives pour des projets de captage, sont remplacés par des centrales à gaz.

Outre Alstom, le sud-coréen Doosan, l'américain UOP (Honeywell), les japonais Hitachi et Mitsubishi Heavy Industries, l'anglo-néerlandais Shell ou le norvégien Aker sont les grands constructeurs d'installations.