Les bacs verts, bleus et bruns ont beau se multiplier, le sac vert demeure roi chez les Québécois. Alors que le gouvernement avait demandé aux municipalités de récupérer les deux tiers des déchets de leurs habitants dès 2008, une compilation des données les plus récentes démontre que le Québec est encore très loin de son objectif.

Moins du quart des matières résiduelles collectées à la porte des Québécois ont eu droit à une deuxième vie en 2010, révèle une compilation réalisée par les sept quotidiens du groupe Gesca auprès de 20 villes de la province. Tout le reste a pris le chemin de l'enfouissement ou de l'incinération.

Le taux de récupération au porte-à-porte est nettement plus faible que celui que déclare Recyc-Québec, selon qui 57% des matières résiduelles ont été récupérées en 2008. Ce chiffre inclut toutefois tous les résidus produits par les entreprises et exclut une partie des déchets jugés impossibles à récupérer. En tenant compte uniquement des déchets dont les municipalités ont la responsabilité, le taux de récupération tombe à 36%.

Or, même ce chiffre est encore loin de la réalité, selon les données fournies par plusieurs villes. Alors que Montréal déclare un taux de récupération de 37%, son bilan 2010 sur la gestion des matières résiduelles permet de constater que seulement le quart (24,7%) des résidus collectés à la porte des Montréalais est récupéré.

L'écart est encore plus important à Saint-Jean-sur-Richelieu, en Montérégie. La municipalité de 92 000 habitants déclare ainsi un taux de récupération de 43,5% en 2010. Mais quand on tient seulement compte des déchets domestiques, ce taux tombe à 21,3%.

Cet important écart entre le taux de récupération affiché par les villes et celui obtenu au porte-à-porte s'explique en grande partie par la façon de calculer la quantité de matières récupérées (voir autre texte). Certaines municipalités incluent dans leurs statistiques les résidus collectés dans les écocentres, ce qui a pour effet de gonfler rapidement la quantité de récupération.

Plusieurs entrepreneurs en construction peuvent en effet y déposer leurs rebuts. Or, les déchets de construction représentent le plus important bassin de matières récupérables, soit la moitié (48%) de toute la récupération faite au Québec. Ces rebuts ont de plus l'«avantage» d'être plus lourds que le papier et les bouteilles de plastique récupérés à domicile.

L'Union des municipalités du Québec (UMQ) reconnaît que les villes sont encore loin de l'objectif de récupération fixé en 1998. «On a fini par atteindre un plateau», constate Denis Lapointe, maire de Salaberry-de-Valleyfield et président de la Commission de l'environnement de l'UMQ.

Celui-ci attribue ce peu de progrès au mode de collecte, calqué sur celui des ordures ménagères. Si la multiplication des bacs fonctionne dans le cas des résidences individuelles, le système est plus difficile à implanter dans les immeubles de plusieurs logements. «Quand on a un petit bac et qu'on habite au deuxième, troisième ou quatrième étage, on ne fait pas nécessairement l'effort de le descendre systématiquement», dit M. Lapointe.

Une mine d'or peu exploitée

Recyc-Québec, qui reconnaît que les villes ont raté l'objectif de 2008, attribue pour sa part ces faibles taux de récupération au retard qu'on a mis à collecter les matières organiques comme les déchets de table. Ces résidus représentent près de la moitié (44%) de toutes les matières résiduelles produites à la maison, mais ils finissent en grande partie au dépotoir. Le bilan 2010 de Montréal permet de constater que les résidus organiques ne représentent que 4% de toutes ses matières récupérées.

Le problème n'est pas propre aux Montréalais, souligne Recyc-Québec. Selon son bilan panquébécois, pas moins de 88% des résidus organiques prennent le chemin du dépotoir. «Si on ne collecte pas les matières organiques ou si on ne fait que des collectes ponctuelles pour ramasser l'herbe et les feuilles mortes à l'automne, c'est évident qu'on est loin du compte. On passe à côté de près de la moitié des matières résiduelles produites», souligne Jeannot Richard, vice-président opération et développement de Recyc-Québec.

Le taux de récupération chez les Québécois pourrait toutefois augmenter rapidement au cours des prochaines années puisque la récupération des matières putrescibles deviendra obligatoire à partir de 2015. Plusieurs villes prévoient d'ailleurs l'implantation d'usines de biométhanisation pour tirer de l'énergie des déchets verts. Une consultation publique a eu lieu l'automne dernier à Montréal sur l'emplacement des usines et Québec a également choisi un emplacement. «À partir du moment où une municipalité s'attaque à ce gisement, dit Jeannot Richard, elle atteint pratiquement les objectifs de Québec.»

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La récupération moindre dans les quartiers défavorisés

Les citoyens des quartiers défavorisés de la métropole ont davantage recours aux sacs verts que ceux des quartiers riches, révèle le portrait 2010 du recyclage des matières résiduelles de l'agglomération de Montréal. À peine 17% des déchets produits dans les arrondissements de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, de Montréal-Nord et de Saint-Léonard finissent dans un bac vert. À l'inverse, les quartiers riches ont des taux de récupération deux fois plus élevés. Ainsi, un peu plus du tiers des déchets d'Outremont sont récupérés.

Plusieurs des villes défusionnées ont elles aussi des taux de récupération plus élevés qu'à Montréal. Mont-Royal, Pointe-Claire et Westmount mènent le bal avec plus de 45% de leurs déchets.