Le gouvernement du Québec pourrait bientôt voir se former un recours collectif regroupant les personnes de la province ayant été indûment exposées à l'amiante, a appris La Presse.

La démarche, lancée par la Société pour vaincre la pollution (SVP), vise à forcer l'État à revoir le régime de compensation existant en vue d'établir un nouveau fonds d'indemnisation plus favorable aux victimes.

Le coprésident de l'organisation, Daniel Green, estime que le régime chapeauté par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) est «injuste» et laisse en plan un nombre beaucoup trop important de personnes rendues malades par le produit réputé cancérigène.

M. Green espère amener le Québec à s'inspirer de la France, où un fonds indemnise chaque année plusieurs milliers de victimes aux profils variés.

«Il faut favoriser ici la création d'un nouveau régime, plus humain, qui permette d'éviter que des familles en détresse soient obligées de consacrer leur temps libre à lutter pour être indemnisées», dit l'environnementaliste.

Le système à la CSST impose, selon lui, un fardeau démesuré aux travailleurs et à leurs proches en les contraignant à faire la démonstration de l'exposition à l'amiante dans un contexte où l'information accessible à ce sujet est très rare.

Il exclut de nombreuses personnes qui ont pu être exposées dans le cadre de leur travail dans des secteurs n'étant pas traditionnellement considérés à risque.

C'est le cas du monde de l'enseignement. «Je peux compter sur les doigts d'une main les membres qui ont reçu une compensation», souligne Pierre Lefebvre, conseiller en santé et sécurité au travail à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

Les personnes malades à la suite d'une exposition à l'amiante qui n'est pas liée à leur travail ne disposent par ailleurs d'aucun recours, souligne M. Green.

La SVP entend finaliser dans les prochaines semaines la constitution d'une association de victimes de l'amiante, dont les membres formeraient le noyau du recours collectif à venir.

Des démarches seront ensuite entreprises pour sensibiliser le public et augmenter le nombre de requérants, note M. Green, qui espère obtenir l'appui d'un cabinet d'avocats avant la fin de l'année pour pouvoir mener la procédure adéquate.

L'idée de cibler le gouvernement, explique-t-il, découle du fait que l'État a joué un rôle de premier plan dans la production et la diffusion de l'amiante dans la province, notamment par l'adoption de sa politique «d'utilisation accrue» du produit.

L'exemple français

Contrairement à ce qui prévaut au Québec, le Fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante (FIVA) permet, en France, aux personnes atteintes de maladies liées à l'amiante d'obtenir rapidement un soutien financier. La présomption d'exposition s'applique pour les affections les plus graves, facilitant le processus, note Marc Hindry.

«C'est un système plus équitable pour les victimes», explique cet enseignant de l'Université Jussieu, à Paris, qui milite au sein de l'Andeva, l'association nationale française des victimes de l'amiante.

Depuis 2004, le fonds a indemnisé 8000 personnes par année en versant des sommes qui varient de 25 000$ pour des pathologies bénignes à 150 000$ pour des cas graves comme les mésothéliomes.

À titre comparatif, la CSST a versé en 2011 des indemnisations pour une centaine de travailleurs morts à cause de leur exposition à l'amiante. La CSST ne divulgue pas les sommes versées dans ce type de dossier parce que «chaque cas est unique». L'Institut national de santé publique du Québec estime que seule une faible proportion des cas est signalée à l'organisation.

Le FIVA est financé par les contributions obligatoires d'employeurs français. L'association de victimes a réussi à forcer sa création en multipliant les victoires devant les tribunaux par diverses voies juridiques.

M. Hindry pense qu'il serait légitime pour les victimes québécoises de l'amiante de cibler le gouvernement en vue de forcer la création d'un fonds similaire.

L'État québécois, dit-il, «a soutenu l'industrie de l'amiante bien au-delà du raisonnable», notamment en appuyant financièrement l'extraction du produit et les organismes qui défendaient son utilisation.

Daniel Green pense que la création d'un fonds comme le FIVA permettrait de prendre enfin la pleine mesure de la crise sanitaire causée par l'amiante dans la province.

«Le Québec est la capitale mondiale de l'amiante. On commence à peine à gratter la surface de la tragédie humanitaire qui en découle», conclut-il.