Dans la foulée des succès du 400e dont le Sommet de la francophonie constitue le fait saillant politique, Régis Labeaume a un an pour amener ses concitoyens dans sa «ville du futur «. Rencontre avec un maire qui ne «s'enfarge pas dans les fleurs du tapis»...

Régis Labeaume a été élu à la mairie de Québec - avec 60% des voix - en remplacement d'Andrée Boucher, disparue en août 2007. C'était en décembre dernier, trois petites semaines avant que ne débutent les célébrations du 400e anniversaire de fondation de Québec... qui n'annonçaient rien de bon. Mal perçu dans la population et parmi ses cadres mêmes, «le 400e» évoquait d'emblée le douloureux échec de Québec 84, ce rendez-vous international de grands voiliers qui, dans l'indifférence générale, avait marqué le 450e anniversaire du premier voyage de Jacques Cartier.

«On ne pouvait pas se permettre de rater le 400e», nous disait le maire Labeaume en entrevue la semaine dernière à Québec, pendant que son cabinet mettait la dernière main aux préparatifs du plus grand événement politique du 400e: le XIIe Sommet de la francophonie qui s'ouvre aujourd'hui dans la Vieille Capitale. En présence du président français Nicolas Sarkozy dont M. Labeaume disait la semaine passée à bazzo.tv qu'il «manque souvent de cohérence»... Selon ses détracteurs, M. Labeaume, lui, manque souvent l'occasion de se taire ou de recourir à la langue de bois, que les politiciens du monde entier ont «en partage».

- Vos premiers mois à la mairie vous ont-ils changé comme politicien?

- J'espère que non...

- De quoi tirez-vous le plus de satisfaction?

- Du succès du 400e qui a fait naître dans la ville une fierté nouvelle. La fierté, vous savez, peut mener à de grandes choses...

Comme élever Québec à la vision de Régis Labeaume qui veut «la ville la plus accueillante et la plus performante». «On vit sur un nuage depuis janvier», avoue candidement le maire en évoquant le «succès total» du 400e, à commencer par sa programmation culturelle. Du spectacle de Paul McCartney au Moulin à images de Robert Lepage qu'ont vu, gratuitement, 600 000 spectateurs. La Ville de Québec a investi un demi-million - l'opposition parle de 600 000$ - pour prolonger l'événement de deux semaines et ainsi permettre à 125 000 personnes de plus de voir «une grande réalisation artistique et un exploit technologique plus impressionnant encore».

«Le Moulin à images est la quintessence de ce que l'on veut faire dans la vie. La ville que je veux pour l'avenir a une économie basée sur la créativité, à la jonction entre l'innovation technologique et la culture.» Et Régis Labeaume - qui a fait fortune dans les mines et l'industrie médicale - de citer l'optique; le divertissement interactif, un champ qui emploie plus de 1000 personnes à Québec où sera bientôt mis sur pied une «école nationale»; les biotechnologies qu'il voit se développer plus rapidement dans le triangle Québec-Montréal-Boston; et la production numérique. «On a compris que Québec ne serait jamais un centre de production télévisuelle. Par contre, comme maire, je me demande tous les jours ce que je dois faire pour que, dans cinq ans, Québec soit un haut lieu de la production numérique dans l'industrie du cinéma.»

Pour atteindre cet objectif, Québec, ville «d'économie gouvernementale», doit réussir à garder ses compétences et à en attirer de nouvelles. En d'autres mots: la «Vieille» doit rajeunir. «Dans les grandes villes canadiennes, Québec est la deuxième pour la moyenne d'âge. Pour grandir - on est 500 000 mais on devrait être un million -, on doit attirer chez nous de jeunes couples de diplômés universitaires dont les valeurs s'attachent à la famille et à l'environnement. Et qui ne sont pas assez caves pour travailler en fous comme les gens de ma génération...»

Dans quelques semaines, Régis Labeaume, et les gens de Québec avec lui, devront revenir à la réalité de l'après-400e. Le maire, qui retourne devant l'électorat en novembre 2009, a 11 mois pour convaincre les citoyens-électeurs-contribuables de la justesse de sa vision et de la faisabilité des moyens pour y arriver. Entre-temps, il doit s'entendre avec les corps de métiers - policiers, pompiers, cols bleus, etc. «Tout le monde» sauf les cols blancs qui viennent d'adhérer à son diagnostic: «La Ville n'est plus capable de payer...»

Et comment travaille Régis Labeaume le négociateur? «Les choses s'arrêtent à moi. Je ne suis pas dans la business du consensus.»