Les politologues décriront bientôt une nouvelle stratégie dans leurs ouvrages. La voici : lorsque bon lui semble – par exemple, s’il peine à assurer des services adéquats en matière d’éducation et de santé –, un premier ministre provincial s’en prend aux personnes trans et non binaires.

Au sein de ce groupe, les personnes mineures constituent une cible particulièrement facile. Bien que des annonces dans d’autres provinces aient récemment fait la manchette, ce phénomène n’épargne pas le Québec.

Si des politiciens américains s’attaquent aux personnes trans depuis déjà un certain temps, c’est en 2023 que la tendance s’est amplifiée au Canada.

En mai, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a annoncé son intention de réviser sa politique qui permettait aux enfants de s’identifier selon leur souhait à l’école.

En octobre, le gouvernement de la Saskatchewan a légiféré afin d’imposer l’accord des parents d’élèves de moins de 16 ans pour l’utilisation de leur nom ou genre préféré à l’école. La loi invoque la disposition de dérogation expresse de la Charte canadienne des droits et libertés. Elle opère donc malgré sa violation des droits fondamentaux.

Le 31 janvier, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a promis un ensemble de mesures. Celles-ci comprennent l’interdiction des thérapies hormonales aux personnes âgées de moins de 16 ans et, dans le cas des mineurs de 16 et 17 ans, l’exigence d’un consentement parental avant le commencement de ces thérapies. Les bloqueurs de puberté sont aussi visés par l’interdiction, alors qu’ils permettent aux jeunes d’avoir plus de temps pour explorer leur identité, réduisant ainsi le recours futur aux opérations chirurgicales pour renverser les changements occasionnés par la puberté.

Satisfaire la base électorale

Ces développements promettent d’infliger de sévères répercussions sur une petite minorité de la population. Ils ne visent pas un problème avéré. Ils ne reflètent ni l’expertise scientifique ni un réel processus de consultation. Ils paraissent plutôt conçus pour satisfaire la base électorale du parti au pouvoir.

Au Québec, nos élus ne sont pas à l’abri de la tentation populiste d’instrumentaliser les personnes trans et non binaires.

Lors de la rentrée scolaire, le Québec a vécu des controverses concernant les toilettes dans les écoles, ou encore une enseignante non binaire qui préfère être appelée Mx. Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, s’est aussitôt immiscé dans le dossier, sans avoir la preuve d’un problème sur le terrain. Peu après, le gouvernement a promis de constituer un comité des sages sur la question de l’identité de genre.

Le comité mis sur pied en décembre n’inclut aucune personne trans ou experte dans le domaine. La ministre de la Famille, Suzanne Roy, nous assure toutefois qu’« il n’est pas question de faire reculer les droits des personnes trans et non binaires ».

Le gouvernement a pourtant mis ce comité en avant pour justifier son inaction alors que perdure une violation des droits fondamentaux. Il refuse toujours d’autoriser le marqueur de genre X sur les permis de conduire et les cartes d’assurance maladie. C’est pourtant un droit en vertu des chartes des droits et libertés. Comme l’a rapporté Vincent Brousseau-Pouliot dans La Presse⁠1, Québec dit vouloir attendre le rapport de son comité en 2025 pour prendre une décision.

Il est manifestement tentant de rechercher des gains électoraux en brimant les droits fondamentaux d’une minorité qui ne jouit pas d’une grande influence au sein du processus politique. C’est d’autant plus vrai pour les mineurs trans, qui ne peuvent voter. Les élus, au Québec et ailleurs, doivent se rappeler que nous nous sommes dotés des chartes afin, entre autres, d’assurer que les droits des minorités ne soient pas bafoués selon le bon vouloir de la majorité.

1. Lisez « Le droit au X – et à l’indifférence » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue