Durs à cuire, c'est un peu la surprise du Festival du nouveau cinéma. Le grand manitou de l'événement, Claude Chamberlan, n'a pas caché son enthousiasme pour ce premier film, démarré sans autre ambition que d'être diffusé à la télé. Mais au cours du tournage, la mayonnaise a monté, tant et si bien que le film a finalement ouvert le FNC, hier en présence des chefs et du maître de cérémonie Marc Labrèche, avant de sortir en salle vendredi prochain.

Pour la petite histoire, Guillaume Sylvestre raconte qu'il a toujours hésité entre une carrière derrière les fourneaux et une carrière derrière la caméra. Avec ce premier documentaire, le jeune homme a réussi à allier ses deux passions, cinéma et cuisine.

«C'est ça, la surprise. Au début, ça devait être un documentaire pour la télé, on a embarqué là-dedans sans grande attente, raconte Normand Laprise. Il a filmé sans trop imposer son équipe technique. Il n'y a rien qui est stagé dans le documentaire.»

Durs à cuire, c'est donc une plongée de 90 minutes dans le monde de Normand Laprise et Martin Picard. Il y a la cuisine de leurs restaurants à Montréal, bien évidemment, mais aussi leurs voyages dans la ville, au Québec, au Canada (pour une séance de pêche sur le lac Ontario) et dans le monde: Hong-Kong et Lyon pour Normand Laprise, l'Espagne pour Martin Picard.

«Je les ai suivis pendant un an et demi, le road movie s'est donc fait naturellement», dit, tranquillement Guillaume Sylvestre.

Dans les pérégrinations des deux chefs, Guillaume Sylvestre s'est retrouvé à boire du champagne à même sa chaussure («Tu pues vraiment des pieds», lui glisse, au cours de l'entrevue, Martin Picard) ou encore à faire sa fête à un cochon dans la campagne espagnole. «Un réalisateur conventionnel n'aurait pas pu nous suivre», assure Martin Picard.

Au cours du film, le spectateur peut vraiment avoir l'impression d'être dans la cuisine, ou à table avec Martin Picard et Normand Laprise. Au menu des discussions, il est question de cuisine, mais aussi de mentalités et cultures culinaires. Les deux chefs défendent, avec passion, leur vision de la cuisine: se faire plaisir, en équipe, avec d'excellents produits.

«Quand on voit que des gens prennent l'avion pour bien manger à l'étranger, on s'est dit, pourquoi ces gens-là n'auraient pas envie de manger au Québec? Je pense qu'à ce moment-ci, il faut se donner les moyens d'avoir une vraie cuisine, et de l'imposer», estime Martin Picard.

«Il y a eu une véritable évolution. Beaucoup de monde a développé et défriché à ce niveau-là au Québec. Nous, on a juste continué. Au Québec, on a rien à envier à personne. On a une grande force de personnalités au Québec. On a ce côté latin, mais aussi humanisé. Le Québec a grandi en cuisine», constate Normand Laprise.

Épicurien, dans le sens noble du terme, Martin Picard revendique le droit à la bonne bouffe, et à la bonne bouteille.

«Ce que l'on ose faire, c'est ce que bien des gens aimeraient faire mais n'osent pas. C'est vrai que le champagne c'est bien, mais il faut se donner le droit d'avoir du plaisir», estime-t-il.

Du film, Martin Picard, Normand Laprise et Guillaume Sylvestre disent ne rien en attendre. «Je suis bien content qu'il n'y ait pas de bullshit. Si j'avais un souhait, ça serait de laisser une empreinte dans le temps et qu'il y ait une fraîcheur à ça, tabarnouche», conclut Martin Picard.