«Surprendre avec un polar fait partie de mon plaisir», affirme dans un entretien à l'AFP le cinéaste français Robert Guédiguian, en compétition pour la deuxième fois à la Berlinale avec son polar Lady Jane, dévoilé mercredi.

En 2005, il était à Berlin avec Le promeneur du Champ-de-Mars, où l'acteur Michel Bouquet campait l'homme d'État François Mitterrand au soir de sa vie, un président de gauche vieilli, cultivé, espiègle, retors et irritable, mis à nu.

Trois ans - et un autre film, Le voyage en Arménie - plus tard, Robert Guédiguian est de nouveau en lice pour l'Ours d'or avec un polar sur le thème de la vengeance, qui réunit ses trois acteurs fétiches : sa compagne Ariane Ascaride, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin.

«Surprendre avec un polar, une conversation avec un président, un voyage en Arménie ou un mélodrame comme Marie-Jo et ses deux amours, cela fait partie de mon plaisir», affirme Robert Guédiguian, âgé de 55 ans.

«Je ne suis pas que le cinéaste des «Contes de l'Estaque» (un quartier au nord de Marseille, dont il est originaire)», dit-il.

L'un des rares cinéastes français à revendiquer ses origines populaires et ses convictions communistes, il a évoqué film après film - À l'attaque!, Marius et Jeannette... - sur fond de réflexion politique, de grandes causes sociales à travers les drames et les joies quotidiennes de personnages simples.

Pour lui, un film populaire est un film qui révèle aux hommes la grandeur qu'ils ont en eux, selon la formule appliquée par André Malraux à l'art.

«J'ai toujours fait des films liés à mon sentiment du moment, à des considérations personnelles, politiques, je suis toujours parti de la morale d'un film, du sens qu'il devait avoir», explique-t-il.

«Mais là, je suis très désespéré : de manière provisoire, le capitalisme a gagné dans les esprits, la volonté de changer réellement le monde, la structure de propriété des richesses, a disparu. Il n'y a plus de logique collective».

Alors, Guédiguian, qui produit aussi les films des autres (Peter Brook, Pascale Ferran, Peter Sellars, Nicolas Philibert..) avec sa société Agat Films - Ex Nihilo, a fait un polar parce qu'il ne savai(t) pas quoi dire.

Dans Lady Jane coécrit avec son complice Jean-Louis Milesi, les héros sont trois amis qui, 20 ans auparavant, faisaient des braquages ensemble, et distribuaient des fourrures volées dans le quartier populaire de leur enfance.

Lorsque le film commence, Muriel, François et René se sont embourgeoisés et se sont repliés sur eux-mêmes, mais devront se réunir pour faire face à une crise : l'enlèvement du fils de Muriel et une demande de rançon.

Heureux de la sélection de Lady Jane à Berlin, Robert Guédiguian, stressé par la projection de gala, a l'intention de se glisser hors du palais de la Berlinale après un salut au public, une fois les lumières éteintes.

«À une projection on interprète tout mal, si quelqu'un tousse on se dit «Il s'ennuie!» c'est une souffrance permanente...»