Cette année encore, le Festival international du film pour enfants de Montréal invite les familles de la métropole à passer leur semaine de relâche au cinéma.

Au menu de ce 12e FIFEM, des dizaines de films venus de partout ou presque, histoire de voyager à peu de frais pendant le congé scolaire. Première escale: le monde féerique de Mia et le Migou.

Après La prophétie des grenouilles, Jacques-Rémy Girerd revient avec un nouveau film, Mia et le Migou, une fable délicieuse sur l'homme et son environnement.

«J'aime bien l'idée de fable, de conte. J'utilise les codes du conte, en prise avec le présent. Le film développe un certain nombre de thèmes, comme les rapports humains, les rapports sociaux, le monde du travail ou encore le rapport à la nature: tout est lié», croit Jacques-Rémy Girerd.

En effet, dans Mia et le Migou, on croise une sorcière pas si méchante, mais aussi des hommes d'affaires avares et égoïstes, comme M. Jekhide. «C'est vraiment un éveil à la chose politique. C'est important que les artistes utilisent un langage poétique pour dire les choses», dit M. Girerd.

Du côté féerique, il y a, autour de Mia, d'étranges créatures: les Migous. Un peu fous, tantôt minuscules, tantôt géants, ils sont l'expression des forces de la nature. «Comme un arbre centenaire, les Migous peuvent être abattus en quelques minutes», explique Jacques-Rémy Girerd.

Les Migous apparaissent sous une forme fantastique. «Je voulais faire des personnages fantaisistes, immatures: on attend des gardiens qu'ils soient des monstres, mais ils sont, comme nous, des humains, bien plus que M. Jekhide», estime le réalisateur.

Six ans de travail

Il aura fallu six années à Jacques-Rémy Girerd pour accoucher de Mia et le Migou. «Un tiers du temps est consacré à l'écriture, au montage et au rythme du film. C'est un travail collectif. Après, on commence par les voix, et ensuite, les dessins», raconte Jacques-Rémy Girerd.

Tous les dessins sont faits à la main. «Il y a quelque chose de traditionnel, chaque film a une nouvelle esthétique. Contrairement aux Américains, c'est l'histoire qui impose l'esthétique, et non l'inverse. La 3D impose son style, mais nous, nous sommes libres de choisir le décor», dit-il.

La nature luxuriante qui sert de décor à Mia et le Migou a été inspirée par les fauvistes et impressionnistes français. «C'est vraiment un travail pictural, juge-t-il. Cela participe à la magie, c'est très vivant, très vibrant.»

Mia et le Migou est le plus récent film sorti des studios Folimage, une maison de production et de distribution de films d'animation située à Valence, dans le sud-est de la France. «Le studio existe depuis près de 30 ans et a une véritable reconnaissance. Dans les festivals, je me retrouve aux côtés de Pixar, alors que nous sommes tout petits», dit le réalisateur.

Jacques-Rémy Girerd est un cinéphile amoureux du Québec, sa «deuxième patrie». «J'ai été amené à l'animation grâce aux chefs-d'oeuvre de l'ONF. Je leur dois beaucoup. À l'ONF, beaucoup trouvent que le studio Folimage se comporte un peu comme l'organisme canadien quand il accueillait des artistes en résidence. On se considère comme des parents de l'ONF. Il y a beaucoup de liens de complicité entre les artistes du Québec et ceux de Folimage», s'émeut le réalisateur.

Le FIFEM, un incontournable à tous les âges

Depuis 12 ans, le FIFEM place la semaine de relâche sous le signe du cinéma. Avec toujours le même mot d'ordre: décloisonner le film «pour enfants» et montrer aux adultes qu'il n'y a pas d'âge pour apprécier un bon film, explique sa directrice générale Jo-Anne Blouin.

«Mon boulot, c'est d'offrir ce qui se fait de mieux dans le monde pour la jeunesse. On essaie de choisir des films pour la compétition qui nous paraissent marquants. Un beau film pour enfants, c'est un beau film, point à la ligne. On peut parler de beaucoup de choses si c'est bien écrit», soutient Jo-Anne Blouin.

La cuvée 2009 ne fera donc pas exception. Avec une cinquantaine de films, le FIFEM puise dans le meilleur du cinéma international. Il y a la France, bien sûr, avec Mia et le Migou (voir texte ci-dessus), mais aussi la Finlande (Le chien de Staline), l'Islande (Pas de signal), la Chine (Une classe pour deux).

Trop souvent, pour le jeune public québécois, «c'est comme si on laissait la place aux films hollywoodiens, déplore Jo-Anne Blouin. C'est sûr que si les adolescents n'ont vu qu'un type de films dans leur vie, il y a peu de chances qu'ils aillent vers une autre culture cinématographique.»

Installé au cinéma Beaubien, à Montréal, le FIFEM a attiré 12 000 spectateurs en 2008. Avec un cinéma Beaubien plus grand, le FIFEM espère cette année attirer 15 000 personnes en salle. Aussi au menu, pour la première fois au FIFEM, trois longs métrages en anglais (parmi lequel l'intrigant Ready? OK!, film américain sur un enfant passionné par les cheerleaders).

Enfin, les spectateurs peuvent profiter du FIFEM dès le berceau grâce à une sélection destinée aux enfants de deux ans et plus. «Il y a une réponse incroyable pour ça: il faut faire du valet parking avec les poussettes tellement il y a du monde», blague Jo-Anne Blouin.

Le FIFEM se déroule du 28 février au 8 mars. Infos et programmation: www.fifem.com.

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Nos suggestions:

Coeur de feu, de Luigi Falorni (Allemagne)

Voici un thème assez improbable dans un film pour enfants: celui des enfants soldats. Awet a 10 ans. Élevée dans un orphelinat catholique, très pieuse, elle fonde bien des espoirs sur des retrouvailles inespérées avec son père. Malheureusement, celui-ci est embrigadé dans le Front populaire de libération de l'Érythrée. Elle est envoyée au front et se rebelle bientôt contre la violence. Avec tact et pudeur, Luigi Falorni amène les spectateurs vers des conflits politiques et humains. Un long métrage tout à fait inattendu.

Au FIFEM, jeudi le 5 mars à 12h30 et samedi le 7 mars à 12h30.

Dans un miroir obscur, de Jesper W. Nielsen (Norvège)

Une jeune fille de 13 ans est atteinte d'un cancer. Les souvenirs des jours heureux de sa vie de jeune adolescente alimentent sa frustration d'être privée de ses activités favorites. Elle est soignée auprès de sa famille - dont sa grand-mère, campée par Liv Ullman - et rencontre, un soir, un ange, Ariel. Ensemble, ils échangeront bien des secrets. Adapté du livre de Jostein Gaarder (Le monde de Sophie), Dans un miroir obscur n'a pas peur de montrer les moments les plus durs de la vie.

Au FIFEM, dimanche le 1er mars à 13h et vendredi le 6 mars à 14h50.

Le roi du ping-pong, de Jen Jonsson (Suède)

Rille, 16 ans, est un «rejet». Enveloppé, moche, il attire toutes les railleries des autres écoliers. Mais Rille a sa botte magique: il est le véritable dieu du ping-pong de sa salle de jeu communautaire, le sport le plus égalitaire qu'il soit. Avec son petit frère, Rille entretient des rapports ambigus. Le film bascule alors vers des zones sombres de la condition humaine. Le style de Jen Jonsson n'est pas sans rappeler Tedd Solondz (Bienvenue dans l'âge ingrat, Storytelling), en plus froid.

Au FIFEM, dimanche le 1er mars à 14h55 et mercredi le 4 mars à 14h45.