«Qui aurait idée de vous donner rendez-vous dans un aéroport? Une espionne!» dit en riant Naomi Watts, en conférence de presse dans un hôtel new-yorkais, au sujet des circonstances de sa première rencontre avec Valerie Plame, ex-agente de la CIA qu'elle incarne dans Fair Game.

Contrairement à Sean Penn, qui interprète Joe Wilson (mari de Valerie Plame), l'actrice n'a pas pu passer quelques jours chez le couple afin de prendre le pouls de cette famille, dont les fondations ont été ébranlées lorsque la façade de Valerie Plame a explosé, en 2003, à la suite d'une fuite émanant de la Maison-Blanche.

Naomi Watts était en fait très prise à la maison au moment où l'aventure Fair Game a commencé pour elle: «Jez Butterworth, qui est un vieil ami, m'a demandé de lire le scénario. C'était le 28 décembre, j'avais accouché le 13... Je n'avais pas l'intention de retravailler tout de suite. Il me connaît, il m'a simplement dit que Fair Game portait sur l'histoire de Valerie Plame, que j'avais suivie dans les médias, et de n'en lire qu'une dizaine de pages si je voulais.»

Comme le scénariste l'imaginait, elle n'a pu s'arrêter en cours de lecture. Et a accepté le rôle. «Nous avons commencé à tourner à la fin du mois de février.» D'où la difficulté, pour elle, d'aller passer du temps chez les Plame-Wilson. Et d'où le fameux rendez-vous dans l'aéroport de Chicago: «J'étais à New York, Valerie était à Santa Fe. Chicago se trouvait à mi-chemin...»

Autre «effet secondaire» de son état physique et mental: «J'étais trop maternelle», dit-elle en souriant. Or, Valerie Plame, la vraie, ne dégage pas ce genre de chaleur humaine. «Quand on la rencontre, on se rend compte très vite qu'elle n'est pas du genre à avoir le coeur sur la main. Elle n'est pas menée par ses émotions. Elle est très en maîtrise, réservée, calme et elle n'est pas quelqu'un de facile à «lire». Grâce à cela, elle était une excellente agente secrète - et elle est restée comme ça: celle que personne n'a jamais réussi à briser.»

Elle dit cela, dans le film, dans une scène où Valerie Plame fait référence à sa formation. Ses compagnons de classe et elle ont été soumis à des interrogatoires très serrés. Il suffisait de «dénoncer» les autres pour que l'exercice cesse. Valerie Plame n'a jamais cédé, preuve d'une dureté que Naomi Watts ne possède pas. Et n'avait pas les outils nécessaires pour la rendre.

Doug Liman a alors pris la décision de lui faire passer quelques jours dans un camp d'entraînement de la CIA. Le réalisateur et elle y ont croisé des personnes dont l'identité est à ce point tenue secrète qu'ils devaient se retourner avant qu'elles ne passent, afin de ne pas voir leur visage. «On m'autorisait à voir mon bébé quelques heures par jour, pour que je l'allaite, entre deux séances de manipulation d'explosifs. J'ai fait là des choses que je n'avais jamais imaginé faire... et que je n'ai jamais désiré faire.» La pire de ces choses, elle n'a «pas le droit de la révéler».

Naomi Watts s'est pliée à cet exercice parce qu'elle voulait rendre justice à celle qu'elle allait incarner. «Je savais qu'il y aurait des pressions pour qu'elle paraisse plus vulnérable, qu'elle devienne hystérique quand sa vie s'écroule.» Doug Liman acquiesce: «Ç'aurait été un film hollywoodien, il y aurait eu plus de larmes et de cris.»

Mais Valerie Plame n'est pas ainsi. Ils le savaient et n'ont pas voulu jouer le jeu de la trahison. Afin de rendre le plus fidèlement possible cette femme dont Naomi Watts dit qu'elle «n'est ni une victime ni une martyre».