Le festival des films sur l'art -29e du nom- est de retour. Jusqu'au 27 mars, plus de 225 documentaires sur l'architecture, le design, la musique (pop et classique), la BD, la peinture, la sculpture, la danse et le cinéma seront projetés dans une demi-douzaine de salles montréalaises. Encore une fois, les amateurs de culture avec un grand ou un petit «C» ne sauront pas où donner de la tête. Mais il y a quand même moyen de faire son chemin dans cette abondante programmation. La Presse lance une douzaine de pistes...

Le mur de l'Atlantique

Quiconque est allé dans des départements français baignés par l'Atlantique a vu l'un ou l'autre de ces milliers de blockhaus, casemates ou bunkers construits durant l'occupation allemande de la France au cours de la Seconde Guerre mondiale. Construit pour repousser une invasion des Alliés, ce mur de l'Atlantique est aujourd'hui devenu encombrant, au sens figuré du terme. Un silence gêné entoure maintenant sa construction, soutient le cinéaste Jérôme Prieur dans le documentaire Le mur de l'Atlantique, monument de la collaboration. Car sous la France occupée, sa construction a donné du travail à des centaines de milliers de... Français. Un historien y voit une «compromettante opération de collaboration économique» entre le régime de Vichy et l'empire hitlérien. La thèse est bien défendue, les interlocuteurs convaincants et les images sont léchées.

70 minutes, aujourd'hui à 19h, Goethe-Institut; Demain à 16h, CCA

-André Duchesne

Sacher - Il dottore della musica

Paul Sacher est passé à l'histoire comme mécène ayant commandé des oeuvres à Bartok, Stravinsky, Strauss, Honegger, Martinu, Martin, Boulez, Berio et bien d'autres. Chef d'orchestre, il créa ces oeuvres avec les obscures formations qu'il dirigeait en Suisse, pays où il naquit et mourut. Les images trop vite disparues et les sous-titres français trop vite envolés de ce film parlé in italiano de Luigi Giuliano Ceccarelli ne révèlent qu'une partie du phénomène. On savait que la colossale fortune dont disposait M. Sacher provenait de son mariage avec l'héritière du géant pharmaceutique Hoffmann-La Roche. Sur ce thème, la réalisation mêle adroitement pilules et notes de musique, usine de remèdes et archives de musique contemporaine. On aimerait simplement en savoir davantage sur le contenu de ces archives et sur les critères, notamment d'ordre financier, qui ont présidé à leur création.

30 minutes, 20 mars, 18 h 30, Musée d'art contemporain; 27 mars, 18 h 30, Goethe-Institut

-Claude Gingras

Oliviero Toscani - The Rage of Images

Vous vous rappelez les publicités de Benetton mettant en vedette le sidatique mourant, le bébé naissant retenu par son cordon ombilical ou le prêtre embrassant une religieuse? Elles étaient toutes signées par le célèbre photographe italien Oliviero Toscani, roi de la provocation. Oliviero Toscani - The Rage of Images retrace les grandes lignes d'une carrière marquée par de nombreux coups d'éclat. Les réalisateurs Peter Scharf et Katja Duregger ont eu l'heureuse idée de nous montrer maître Toscani à l'oeuvre lors d'une session de photo où il dirige ses mannequins avec un naturel désarmant. On redécouvre également avec bonheur plusieurs images publicitaires qui ont marqué l'imaginaire au cours des années 90.

45 minutes, 20 mars à 18h30, Musée d'art contemporain et 27 mars à 16h, Université Concordia.

-Catherine Schlager

Karkwa - Les cendres de verre

Ce séduisant documentaire sur le groupe Karkwa n'a rien d'une musicographie. Parlons plutôt d'un film d'art et d'essai, d'un long clip hypnotisant, d'une suite de vignettes poétiques et musicales. Aucune entrevue, à proprement parler. Seulement une plongée dans la bulle Karkwa, dans les coulisses et sur scène, le temps de quelques spectacles, de quelques chansons, de quelques «moments». On reconnaît ici l'esthétique intimiste et spontanée des fameux Concerts à emporter, qui ont propulsé l'art du clip dans la blogosphère. Issu de cette école, le réalisateur Nathanaël Le Scouarnec amène simplement le concept un peu plus loin. A noter que le film sera suivi d'une discussion sur la musique et le web.

51 minutes, 24 mars, 18h30, 5e Salle de la Place des Arts; 26 mars, 21h, Cinémathèque québécoise

-Jean-Christophe Laurence

Sur les traces de Tintin

Sous la plume d'Hergé, Tintin a fait le tour du monde. Son auteur l'a fait voyager - avec une surprenante acuité - en des contrées où lui-même n'était jamais allé. La série Sur les traces de Tintin (cinq films au total) explore cinq pays où le petit reporter a vécu ses aventures, en reproduisant ses voyages à la case près: Égypte, Chine, Maroc, Pérou et Tibet. Si vous êtes un abonné du canal Évasion, ces travelogues à l'angle original vous passioneront. En revanche, les enfants plus jeunes ne seront pas nécessairement emballés par ce traitement un peu «adulte». Plus près des Grands Explorateurs que de Télétoon, cette série n'en reste pas moins incontournable pour les fans de Tintin.

52 minutes

Le Temple du soleil, 27 mars 18h30, Cinémathèque

Les cigares du pharaon et Le Lotus Bleu: 26 mars 13h30, 5e Salle de la Place des Arts

Le crabe aux pinces d'or et Tintin au Tibet: 27 mars 13h30, 5e Salle de la Place des Arts

-Jean-Christophe Laurence

Paris, les années lumineuses

Dans la première moitié du XXe siècle, Paris a été le lieu de toutes les avant-gardes, tant dans les domaines de la littérature, des arts, de la musique ou de la danse. Ce documentaire de Perry Miller Adato nous plonge au coeur de de ces «années lumineuses» (interrompues par la guerre de 14-18, puis par la crise de 1929) qui ont attiré dans la Ville lumière des artistes de tous les horizons. De riches archives nous montrent les Joan Miro, Marc Chagall, Jean Cocteau, Igor Stravinsky, Marcel Duchamp, Picasso, Apolinaire... Les sujet est vaste, mille angles auraient pu être abordés, ça fourmille d'anecdotes, c'est un peu fourre-tout et didactique (et c'est produit pour ARTE), mais voilà un documentaire qui ne peut que satisfaire les amateurs de cette période charnière de l'histoire des arts, où sont nés les modernes.

104 minutes, demain, 13h30, et mardi, 15h30, au Musée des beaux-arts

-Chantal Guy

Isabella Rossellini - My Wild Life

Fille de la grande Ingrid Bergman et du réputé cinéaste Roberto Rossellino et ex-femme de Martin Scorsese, Isabella Rossellini pouvait difficilement échapper à son destin. Pourtant, elle s'est d'abord illustrée comme journaliste à la télé et comme mannequin avant de devenir actrice. De Naples à Rome en passant par New York, on retient l'hommage de Roberto Benigni à son amie ainsi que la rencontre avec le réalisateur Jean-Luc Godard qui raconte à Isabella ses souvenirs avec son père. Les fans de David Lynch seront heureux de savoir comment l'actrice s'est inspirée pour interpréter Dorothy Vallens dans Blue Velvet. Un seul bémol: le film est présenté en italien et en anglais avec une narration française, ce qui s'avère légèrement agaçant.

52 minutes, 20 mars à 21h et 25 mars à 18h30, Cinémathèque québécoise

-Catherine Schlager

Jean-Paul Gaultier ou les codes bouleversés

Pas besoin d'être un grand spécialiste de la mode pour apprécier le documentaire Jean Paul Gaultier ou les codes bouleversés. Le grand designer français se révèle tellement fascinant et intéressant que n'importe qui sera happé par ce portrait de son ascension fulgurante. Engagé par le grand Pierre Cardin à l'âge de 18 ans, il trace son chemin dans l'univers impitoyable de la mode aux côtés de l'homme de sa vie, Francis Menuge, décédé du sida en 1990. La réalisatrice Farida Khelfa nous présente plusieurs défilés marquants du couturier ainsi que la rencontre avec ses muses Carla Bruni dans son salon d'essayage, Dita Von Teese avec qui il rêve de monter une revue musicale et Beth Ditto lors d'un défilé en 2010.

52 minutes, 20 mars à 21 h et 27 mars à 16 h, Musée des beaux-arts de Montréal

-Catherine Schlager

Mtl Punk - La première vague

La musique québécoise des années 70 ne se limite pas aux granos et aux discos. Bien que très marginal, le mouvement punk faisait aussi partie du paysage. Mais le phénomène est resté totalement underground, ses groupes phares disparaissant les uns après les autres pour cause de no future. Mtl Punk - la première vague/The First Wave ressuscite les survivants de cette scène oubliée, en faisant revivre des groupes comme The Normals, les Chromosomes et les 222's par l'entremise d'entrevues et de rarissimes films d'archives. Entre l'hommage trash et la musicographie extrême, il ne fait aucun doute que ce documentaire comble un trou de notre histoire du rock. Un incontournable pour qui s'intéresse à la chose.

46 minutes, 21 mars 18h30 et 26 mars 21h, Cinémathèque québécoise

-Jean-Christophe Laurence

Comic Books Go to War

Le phénomène des «BD reporters» prend de l'ampleur. Joe Sacco en tête, de plus en plus de bédéistes se transforment en journalistes pour rapporter ce qui se passe dans le monde, soit en mode indépendant, soit en se greffant à divers corps militaires. Le documentaire Comic Books Go to War se penche sur cette nouvelle tendance, en donnant la parole à ses principaux ambassadeurs, de Joe Sacco (Palestine, The Fixer) à Emmanuel Guibert (Le photographe) en passant par Marjane Satrapi (Persepolis), Keiji Nakazawa (Gen d'Hiroshima), Joe Kubert (Faz de Sarajevo) ou Ted Rall (Maus). Où l'on apprend que la bande dessinée, inoffensive en apparence, permet de montrer l'innommable, d'où sa fulgurante efficacité journalistique.

67 minutes, 19 mars, 16h, Musée d'art contemporain; 20 mars, 13h30, salle J.A. De Sève, Université Concordia

-Jean-Christophe Laurence

Sur les traces de Marguerite Yourcenar

La terre est une prison; aussi bien en faire le tour, disait Marguerite Yourcenar dans son très bel essai de voyages Le tour de la prison. Le documentaire Sur les traces de Marguerite Yourcenar de Marilù Mallet recrée pour le spectateur ce grand tour de l'écrivaine qui a déposé ses valises de la Belgique en Inde, du Canada à l'Afrique, de Bruges à l'île des Monts-Déserts. Émaillé d'extraits lumineux des écrits de Yourcenar et de commentaires fins, sensibles et intelligents d'amis et spécialistes interviewés, le film réussit à bien cerner la vie, tant littéraire que personnelle, de la «mère» d'Alexis et d'Hadrien. L'oeuvre, passablement éthérée et poétique, nous laisse cependant de glace dans sa scénarisation. Les extraits filmés avec des acteurs donnent l'impression de maladroites applications de plâtre sur un mur autrement plus lisse. On aurait pu aussi se passer de cette musique lançinante et ampoulée. Décidément, dans ce film, les mots sont beaucoup plus forts que les images. C'est tout à l'honneur de madame.

82 minutes, 21 mars à 21h au cinéma ONF; 26 mars à 21h à la Grande Bibliothèque

-André Duchesne

Saint-Denys-Garneau

Cette volonté de se fondre littéralement dans la nature a mené le poète Saint-Denys-Garneau à pratiquement disparaître de son vivant. Il était d'une exigence poétique telle qu'il retirera lui-même des tablettes les exemplaires de son recueil Regard et jeux dans l'espace, et coupera les ponts avec tous ses amis. En entrevue, Yvon Rivard, Michel Biron, Robert Melançon et Marie-Andrée Lamontagne tentent d'expliquer le parcours et les intentions du poète jusqu'à sa disparition précoce. Un documentaire de Jean-Philippe Dupuis, qui tend au même dépouillement que son sujet - parfois même un peu trop - et qui dresse un portrait presque christique de Saint-Denys Garneau...

55 minutes, aujourd'hui, 18h30, et mercredi, 21h, à la Grande Bibliothèque

-Chantal Guy