Le film Mahomet, grande fresque sur le prophète fondateur de l'islam, sorti jeudi en Iran dans des salles combles, a été l'objet d'une manifestation d'opposants au régime iranien avant sa projection en ouverture officielle du Festival des films du monde (FFM) de Montréal.

Jeudi en début de soirée, aux abords du cinéma Impérial de Montréal où avait lieu le festival, des manifestants ont brièvement réussi à s'approcher, criant « À bas le régime islamiste! » ou « Honte au festival, honte à Montréal et au Canada! »

La cinquantaine d'opposants a accusé le réalisateur du film, l'Iranien Majid Majidi, de « traîtrise », et les organisateurs du FFM « d'aider la propagande » iranienne.

En exil au Canada depuis 2007, Fakhri Javaheri - opposante au régime qui affirme avoir été emprisonnée pendant quatre mois dans les geôles de Téhéran - a dénoncé auprès de l'AFP un film « payé par les dirigeants iraniens (...) afin de montrer au monde qu'ils ont de bons sentiments ».

Selon le cinéaste iranien, l'objet du film est de casser la vision d'un islam violent.

« À l'heure actuelle malheureusement, l'image de l'islam est celle d'un islam radical, violent et fanatique, ce qui ne correspond pas au concept » même de cette religion, a déclaré Majid Majidi en farsi, traduit en anglais, lors d'une conférence de presse dans la métropole québécoise, avant l'ouverture officielle du FFM.

Le réalisateur a dénoncé des « actes de terrorisme barbares » menés par des « groupes terroristes sous couvert de l'islam » en référence aux groupes violents en Irak, en Syrie ou dans d'autres parties du monde et revendiquant leurs actes au nom de l'islam, qui est en fait « une religion de paix, d'amitié et d'amour ».

En projection presse, Majid Majidi a expliqué que son oeuvre retraçant l'enfance du prophète - de sa naissance jusqu'à l'âge de 13 ans - était le fruit d'une interprétation issue d'un long travail de recherche mené « avec des historiens chiites et sunnites ».

Avec un budget d'environ 40 millions de dollars, en partie financé par l'État iranien, « Mahomet, le messager de Dieu » frappe d'abord par la beauté de ses images, la profusion des figurants et une mise en scène soignée malgré quelques longueurs.

140 salles en Iran

Le film le plus cher de l'histoire du cinéma iranien, qui dure près de trois heures, dépasse le simple aspect d'une seule religion tant les références aux trois grandes religions monothéistes - islam, judaïsme et christianisme - sont nombreuses.

L'action se déroule principalement dans une cité de La Mecque reconstituée au sud de Téhéran, le plus souvent vue à travers les yeux du prophète même si toute la première partie du film se déroule avant sa naissance, au sixième siècle.

Le jeune Mahomet est toujours vêtu de blanc. Le visage des acteurs l'interprétant, nourrisson, enfant ou préadolescent, n'est jamais montré. Un procédé, selon le réalisateur, visant à « simplement respecter un ancien sens commun parmi les musulmans de ne pas représenter le prophète Mahomet ».

Quelques heures avant de faire l'ouverture du Festival québécois, le film avait été lancé à Téhéran où, selon M. Majidi, il a fait salle comble. « Ce sera le plus grand succès de l'histoire du cinéma iranien », a-t-il prédit.

Le film est sorti dans 140 salles en Iran, avec un jour de retard en raison de problèmes de sonorisation. Pour le réalisateur, ce décalage d'une journée a en fait été décidé pour faire correspondre la sortie en Iran avec la cérémonie d'ouverture du festival de Montréal.

Lors de cette 39e édition du FFM qui se déroule jusqu'au 7 septembre, Majid Majidi compte bien trouver des distributeurs pour son long-métrage dans le cadre du marché international du film qui se déroule en parallèle.