Jusqu'à la fin de juillet, nous découvrons un film méconnu du répertoire Éléphant, voué à la mémoire du cinéma québécois.

Une amie d'enfance (1977)

Comédie dramatique de Francis Mankiewicz

Avec Pauline Martin, Jean-Pierre Cartier, Pauline Lapointe et Jean-Guy Viau

On suppose que très peu de gens se souviennent ou savent qu'entre Le temps d'une chasse (1972) et Les bons débarras (1980), Francis Mankiewicz a réalisé Une amie d'enfance, une production à cheval entre le film et le téléthéâtre, d'après la pièce de Louise Roy et Louis Saïa. Produit par Guy Fournier et Jean Salvy, avec un petit budget (160 000 $), Une amie d'enfance avait d'abord été conçu pour la télé. Mais des distributeurs intéressés y ont vu une occasion et ont décidé de le projeter en salle, en gonflant le format. Dans un entretien au magazine Séquence en 1980, Francis Mankiewicz raconte qu'on avait vendu le film au public en faisant des rapprochements avec... Deux femmes en or! Tout simplement parce que l'histoire se passait en banlieue... Évidemment, Une amie d'enfance, qui n'avait rien à voir avec un «film de fesses», n'a pas fait un carton au box-office.

Ce serait malhonnête de parler de la qualité cinématographique de ce film qui était destiné à la télé et qui a été tourné comme tel. En revanche, Une amie d'enfance est intéressant à découvrir parce qu'il contient les germes d'un chef-d'oeuvre à venir: Les voisins, du même Louis Saïa, avec Claude Meunier.

Dans cette histoire, et comme le titre l'indique, Angèle (Pauline Martin) retrouve une amie d'enfance, Solange (Pauline Lapointe), qu'elle invite à souper. Angèle et Gaston (Jean-Pierre Cartier) forment un petit couple de banlieusards tranquilles, tandis qu'Angèle débarque avec son Coco (Jean-Guy Viau), un gars à l'air bum qui a toutes les difficultés à s'exprimer clairement en raison de séquelles d'un accident. Il est atteint d'une sorte d'aphasie, pourrait-on dire. Ce qui cause régulièrement des malaises, parce que malgré ça, il est très extraverti. On papote, on se dit des banalités (court-circuitées par Coco) et, l'alcool aidant, on se déniaise, on flirte, et on devient un petit peu trop saoul...

Des handicapés du langage

On découvre dans les dialogues un peu de l'esprit qu'on retrouvera dans les pièces du tandem Saïa et Meunier, en particulier dans la platitude des propos entre Angèle et Gaston, tandis que Coco introduit le côté absurde. C'est ça qui est fascinant avec Une amie d'enfance; ce qui sera la marque du tandem - cette mauvaise maîtrise de la langue, ce parler pour rien dire et les problèmes de communication qui en découlent - ne sera plus, ensuite, expliqué par un handicap. Les personnages de Saïa et Meunier seront naturellement des handicapés du langage, parfaitement inconscients de leurs propos sans queue ni tête.

Cette oeuvre mineure, qui est presque un chaînon manquant quand on y pense, sera rapidement éclipsée par les réussites de quelques membres de l'équipe qui vont suivre. Mankiewicz, avec Réjean Ducharme, nous offrira l'inoubliable Les bons débarras, considéré comme l'un des plus grands films du cinéma québécois; Louis Saïa participera à l'aventure de Broue, pièce mythique; Louise Roy poursuivra une prolifique carrière de scénariste (des Bye ByeÀ plein temps et Robin et Stella, entre autres), tandis que les carrières de Pauline Martin et de la regrettée Pauline Lapointe vont décoller sans jamais redescendre.

Ce film est offert sur iTunes et illico, et non sur le site web d'Éléphant directement.

Les Productions du Verseau

Une amie d'enfance