En guise de complément à notre dossier sur l'évolution du film politique au Québec, nous avons sollicité plusieurs politiciens - de toutes allégeances - pour qu'ils  (et elles) nous révèlent les titres de productions québécoises à teneur politique les ayant marqués. Quatre d'entre eux ont répondu à l'appel.

Véronique Hivon

Députée de Joliette à l'Assemblée nationale

Candidate à la direction du Parti québécois

Film politique favori: Les ordres (Michel Brault, 1974)

«J'ai découvert Les ordres alors que nous vivions une période très effervescente sur le plan politique, soit au lendemain de l'échec de l'accord du lac Meech. J'étudiais alors à l'université et ce film a très certainement nourri ma réflexion. C'était comme découvrir, à travers ces personnages, l'incarnation d'une crise que je connaissais déjà bien, mais que je n'avais pas vécue. Au niveau international, j'ai beaucoup apprécié le film chilien No (Pablo Larraín), notamment cette volonté d'un stratège de miser sur des messages positifs dans une campagne référendaire. Comme tout le monde, je constate qu'on ne semble plus vouloir faire de films politiques à propos de nous-mêmes. La question identitaire a évolué, mais je crois qu'il serait intéressant de l'explorer aussi maintenant, de la même manière que Denys Arcand l'a fait à l'époque du Confort et l'indifférence. Où en sont aujourd'hui les Québécois dans leur évolution politique?»

Gérard Deltell

Député de Louis-Saint-Laurent à la Chambre des communes

Parti conservateur du Canada

Film politique favori: Québec: Duplessis et après (Denys Arcand, 1972)

«Je suis passionné d'histoire et j'aime beaucoup le cinéma. À votre question, je répondrai Québec: Duplessis et après. Ce documentaire de Denys Arcand suit les candidats de l'élection québécoise de 1970, l'une des plus significatives de l'histoire à mon avis. En plus des deux grandes formations politiques de l'époque, l'Union nationale et le Parti libéral, le Parti québécois présentait des candidats pour une première fois. Et il y avait aussi le Crédit social, dirigé à l'époque par Camil Samson. On sent qu'en 10 ans à peine, après la mort de Maurice Duplessis, le Québec s'est complètement transformé. Ça se reflète même dans la façon de faire de la politique. D'une époque encore très marquée par les années 50, on bascule vers une approche plus moderne. C'était aussi la première confrontation directe entre Robert Bourassa, élu premier ministre à 36 ans, et René Lévesque. C'est du cinéma réalité à son meilleur. C'est fascinant. Ayant fait des études en histoire, j'adore la forme documentaire, davantage que la fiction, même si j'aime bien me divertir comme tout le monde. Cela dit, je n'ai pas vu une seule minute des séries West Wing ou House of Cards. Parce que je baigne là-dedans à longueur de journée!»

Luc Fortin

Ministre de la Culture et des Communications du Québec

Oeuvre politique favorite: la minisérie Duplessis (scénario Denys Arcand; réalisation Mark Blandford - 1978)

«Pour les gens de ma génération, c'était une façon de voir certaines des réalisations de l'époque duplessiste, notamment l'adoption du fleurdelisé comme drapeau. La vision historique authentique est vraiment fascinante. C'est une époque méconnue.»

Jean-François Lisée

Député de Rosemont à l'Assemblée nationale

Candidat à la direction du Parti québécois

Film politique favori: Dédé à travers les brumes (Jean-Philippe Duval, 2009)

«J'aime évidemment beaucoup Les ordres de Michel Brault, mais aussi deux films à teneur politique que j'ai vus très jeune, réalisés par Jean-Claude Lord: Les colombes et Bingo. Dans Bingo, on montrait notamment comment un membre du FLQ avait été utilisé pour empêcher l'élection d'un candidat péquiste! Mais le plus grand film politique à mes yeux reste Dédé à travers les brumes. André Fortin incarnait tous les espoirs d'un Québec souverain, au point de mettre sur pied un spectacle le soir même du référendum de 1995 pour rassembler tout le peuple dans la célébration du pays. On sait l'immense déception qu'il a personnellement vécue ce soir-là. Il y a tout cela dans le film de Jean-Philippe Duval. Et c'est raconté de façon magistrale.»

Photo René Marquis, Archives La Tribune

Luc Fortin