Des Cercles des fermières, il ne reste que les cercles. Car des quelque 35 000 femmes qui font encore partie de ces organisations aujourd'hui, seulement 2% vivent à la ferme.

Voilà le constat que nous révèle la cinéaste Annie St-Pierre dès l'ouverture de son documentaire Fermières qui sera bientôt sur nos écrans après une préparation de trois ans.

À l'image des fameuses légions d'anciens combattants, l'organisation est vieillissante, mais elle possède une riche histoire (100 ans en 2015) et un héritage qui, foi d'Annie St-Pierre, ne doit pas passer sous le radar.

Héritage? Oui. Un legs, une présence, un ancrage très caractéristique des régions, d'autant plus fort (et inestimable) que celles-ci sont éloignées.

Cette réalité est difficile à saisir pour les urbains que nous sommes, engoncés dans notre quotidien de téléréalités et de tablettes électroniques. Elle-même fille de région, Annie St-Pierre a voulu démythifier la chose.

«J'habite le Mile End, mais je suis une fille du Bas-Saint-Laurent et ça me fait du bien de retrouver ces gens-là, d'être avec des femmes comme elles, dit la documentariste en entrevue. En leur présence, il se produit un échange très particulier. Elles m'aident à comprendre où nous en sommes comme société.»

Pour véhiculer sa pensée, Annie St-Pierre s'intéresse plus particulièrement au parcours de quatre membres des Cercles. Quatre femmes résidant aux quatre coins de la province, aux personnalités et aux fonctions très différentes. Toute l'essence du film est là. Nous avons demandé à Mme St-Pierre de nous les présenter.

«Il y a d'abord Mme Labrie qui incarne le leadership, commence la réalisatrice. C'est la présidente sortante de la fédération des Cercles des fermières. À travers son histoire, on comprend la structure du réseau et ses fonctions. Mme Garon, âgée de 86 ans, représente la transmission. À travers elle, on ressent l'importance de vouloir léguer quelque chose aux suivantes. À travers Mme Poulin, on découvre l'historique du mouvement. Et comme elle est en train de terminer un doctorat, elle vient nous rappeler que ces femmes peuvent aussi être très instruites. Enfin, il y a Mme Lacroix. Elle veut de la reconnaissance, de l'amour et s'illustre dans les concours des cercles. Elle est pétillante et cherche le glamour.»



Briser le mythe

Les images du film vous feront sourire. Bien sûr, on y voit des fermières couper des légumes, participer à de gentils concours régionaux, chanter des ritournelles surannées, animer des salles municipales un tantinet tristes, farfouiller dans leurs pelotes de fil ou avoir une très sérieuse discussion autour d'une démonstration de lavettes (un plan remarquable). Mais on les voit aussi travailler à l'ordinateur, se battre pour conserver leurs archives et continuer à défendre leurs valeurs sous l'oeil des caméras.

«Je ne voulais pas d'un film stéréotypé. Je voulais aller plus loin que le mythe des fermières comme on peut le concevoir, dit Annie St-Pierre qui se dit attirée par les mondes parallèles. J'ai voulu présenter les Cercles du point de vue des humains. S'il y a une caractéristique entre toutes ces femmes, c'est leur besoin de communauté. Elles ne sont pas individualistes!»

Un film qui aide à mieux cerner la réalité des régions, suggère-t-on. «Oui, répond la cinéaste. Ça nous parle d'une autre réalité. Ça nous apaise un peu. On a l'impression de se retrouver dans une autre époque. Moi, comme fille des régions, je suis contente de voir que certaines choses ne changent pas.»

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Fermières prend l'affiche le 18 avril.

Photo: fournie par Films Séville

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