Premier film, premier rôle, première nomination aux Oscars... un scénario digne du conte de fée pour quiconque, et davantage encore pour Fawad Mohammadi, un vendeur de rue de Kaboul de 14 ans, que rien ne prédestinait à découvrir Hollywood.

Jusqu'alors, Fawad était connu dans Chicken Street, fameuse rue commerçante de la capitale afghane, que Kaboulis et Occidentaux parcourent en quête de tapis, diamants et des tenues traditionnelles.

À la mort de son père il y a quelques années, le jeune Afghan s'est mis à vendre de la gomme pour aider sa mère, ses cinq frères et sa soeur. Puis il est passé aux cartes d'Afghanistan et aux dictionnaires, perfectionnant son anglais au contact de clients étrangers.

C'est comme cela que Sam French, le réalisateur de Buzkashi Boys, l'a rencontré. «C'était toujours l'enfant le plus gentil, le plus chaleureux qui soit. Il proposait ses services de «garde du corps» et vendait ses cartes. Il avait toujours le sourire et des remarques pleines d'esprit», se souvient l'Américain.

Conquis, Sam French décide de faire de Fawad le personnage principal de son film de 28 minutes, sélectionné dans la catégorie des meilleurs court métrages d'action pour les Oscars, qui se tiendront dimanche.

Buzkashi Boys narre la complicité de deux adolescents, dont l'un, Ahmad (Jawanmard Paiz), orphelin et mendiant, rêve de bouzkachi, sorte de polo à cheval à la sauce afghane, très violent, dont la carcasse d'un veau ou d'une chèvre, préalablement décapitée et éviscérée, fait office de ballon.

L'autre, Rafi (Fawad), est le fils d'un forgeron voué à succéder à son père. Pendant que le premier rêve de la gloire du «tchopendoz» - le champion de bouzkachi - le second cherche à échapper à son destin. Un rôle sur mesure pour notre vendeur-acteur.

«La difficulté était de ne pas le faire «jouer» mais d'être lui-même, confirme Sam French. Sa nature aimable et généreuse correspondait exactement à son personnage. Nous voulions donc qu'il soit lui-même autant que possible.»

Et le réalisateur américain d'ajouter : «il a réalisé un boulot fantastique.»

Le héros de Chicken Street

Jawanmard Paiz, fils d'un célèbre acteur afghan et acteur lui-même depuis l'âge de 5 ans, se montre également conquis: «Quand Fawad a commencé à jouer, même s'il était vendeur de rue, il avait tellement de talent! Il nous a tous vraiment surpris.»

L'intéressé, habillé d'une veste en cuir et d'une paire de jeans lors de son entrevue avec l'AFP, se veut beaucoup plus modeste.

«J'ai grandi en regardant des films afghans. Quand je les regardais, je rêvais d'être acteur. (...) Ma famille, mes amis et mes proches sont fiers de moi. Ils m'encouragent tous depuis qu'ils ont vu le film», observe-t-il.

Mais de là à participer aux Oscars... «C'est un sentiment exceptionnel. Je n'y avais jamais pensé. Et je n'y crois toujours pas», sourit-il. «Ce sera un grand privilège pour moi et pour tout l'Afghanistan de rencontrer les plus fameuses stars au monde.»

Une souscription en ligne avait été lancée pour financer le voyage des deux jeunes héros d'un cinéma afghan en ruine, après cinq ans de censure talibane (1996-2001) et les onze années de conflit ayant suivi.

La production à petit budget ne pouvait inviter les adolescents. Une compagnie aérienne turque leur a finalement offert les billets. Le département d'État américain s'acquittera d'une partie de leurs frais.

«C'est une bonne nouvelle. Cela veut dire qu'une plus grande partie de l'argent que nous avons pu réunir ira à l'éducation de Fawad et à sa famille», se réjouit Sam French.

Le nouveau héros de Chicken Street ne le voit pas autrement, lui qui a consacré ses premiers gains d'acteurs à payer sa scolarité dans une école privée de Kaboul.

Mais avant de penser au collège à Kaboul, il y aura les Oscars à Los Angeles. Le premier vol en avion pour Fawad, qui comme nombre d'enfants, se voit aussi pilote. Son prochain rêve par ordre chronologique, il veut d'ailleurs le vivre dans l'aéronef. «J'espère que je pourrai aller dans le cockpit...»