Une automobile peut-elle être à la fois avant-gardiste et désuète? C'est le sort qui semble réservé à l'hybride Insight, que Honda vient de mettre à la retraite.

Une automobile peut-elle être à la fois avant-gardiste et désuète? C'est le sort qui semble réservé à l'hybride Insight, que Honda vient de mettre à la retraite.

Au moment de son lancement en 1999, l'Insight - première hybride essence-électricité des temps modernes sur le marché américain - pouvait se targuer d'être la voiture de série qui consommait le moins de carburant. Sept ans plus tard, elle demeure la championne de l'économie d'essence, mais Honda vient d'en cesser la production.

Honda affirme que l'Insight sera remplacée d'ici deux ans par une hybride sous-compacte plus avancée et plus polyvalente, mais pas nécessairement plus économique à la pompe.

Stratégie

D'apparence futuriste, avec son moteur à essence trois cylindres de 67 chevaux et son moteur électrique d'appoint de 14 chevaux, l'Insight n'a jamais été repensée ou mise à jour. Une transmission à variation continue et la climatisation ont été offertes en option la seconde année du modèle; elles n'étaient pas disponibles sur le modèle original de 2000 parce que Honda voulait limiter le poids du véhicule et maximiser le rendement énergétique.

La stratégie a bien fonctionné. L'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) a estimé la consommation d'essence de l'Insight à 70 milles au gallon (3,4l/100km) sur la route et à 61 milles au gallon (3,9l/100km) en ville. Avec la climatisation, le rendement diminuait à 66/60 et en y ajoutant la transmission à variation continue, la consommation baissait à 57 sur la route, et 56 en ville.

Bien entendu «le kilométrage peut varier», comme l'indique la clause de non-responsabilité. Au fil des ans, les aficionados de l'Insight se sont amusés à tenter d'établir de nouveaux records d'économie d'essence.

Quand l'Insight a fait son apparition à la fin de 1999, l'essence coûtait en moyenne 1,39 le gallon aux États-Unis. Honda a invité plusieurs magazines à participer à un concours d'économie d'essence sur un parcours de 195 milles (312 km) entre Colombus, en Ohio, et la Ville de Détroit.

Le personnel du magazine Car and Driver a attaché une grande boîte derrière un Ford Excursion à l'intérieur de laquelle l'Insight pouvait être conduite dans un environnement aérodynamique idéal, sans résistance.

Le rédacteur technique du magazine, le regretté Don Schroeder, a réussi à conduire l'Insight dans cette boîte, à quelques centimètres du parechoc arrière de l'Excursion. Le magazine a gagné le concours avec une consommation de 121,7 milles au gallon (1,94l/100km) et une vitesse moyenne de 58 milles à l'heure (93km/h).

Deux ans plus tard, le même magazine (sous la direction de rédacteurs différents) a fait état de résultats décevants (48 milles au gallon) après un essai de 40 000 milles avec une Insight climatisée. Les rédacteurs ont cependant fait l'éloge de son ingénierie supérieure et de sa fiabilité exemplaire.

Performances

Un débat animé se poursuit encore aujourd'hui sur les performances de l'Insight dans la vraie vie. La plupart des propriétaires semblent obtenir le rendement annoncé, et même plus, mais quelques-uns se plaignent de rendements inférieurs.

La meilleure généralisation que je puisse faire est la suivante: si vous conduisez mal cette voiture, vous n'obtiendrez pas un bon rendement. Des départs pleins gaz, une accélération saccadée, pousser l'accélérateur à fond augmenteront votre consommation d'essence jusqu'à 18 milles au gallon (13,1l/100km), selon mon expérience. Mais un usage judicieux de l'accélérateur, des freins et de la transmission peut donner des résultats impressionnants.

Dans un essai du modèle 2006, équipé d'une transmission à variation continue (et donc moins performant que la boîte manuelle à cinq vitesses), j'ai conduit de Los Angeles à Las Vegas par une journée estivale où le mercure dépassait les 40 degrés. Roulant à vitesse de croisière sur l'Interstate 15 et des sections de l'historique Route 66, j'ai expérimenté différents styles de conduite, avec et sans climatisation.

Mon itinéraire alternait entre le niveau de la mer et des élévations d'environ 1200 mètres. J'ai eu des difficultés à trouver des sections de route libres, sans congestion, où je pouvais rouler à vitesse de croisière sans interruption.

L'Insight, légère à 1850 livres (840 kilos), semblait flotter comme un aéroglisseur. Sa suspension suivait chaque imperfection de la route. Ses pneus minces de 14 pouces offrent peu de résistance au roulement et favorisent l'économie d'essence. Les bruits de la route envahissent la cabine.

Dans mon meilleur segment, roulant seul à 55 milles à l'heure sur une distance de 22 milles, j'ai réussi à obtenir dans un vent de face une consommation d'un peu plus de 118 milles au gallon (2l/100km). Ces résultats ont été mesurés par mon ordinateur de bord, qui semblait très précis.

Le truc, c'est de commencer en douceur et de maintenir par la suite une vitesse constante. Contrairement à la Prius de Toyota, qui alterne entre le moteur à essence et le moteur électrique, l'Insight est toujours alimentée par le moteur à essence, parfois avec l'aide du moteur électrique.

Pour obtenir un rendement maximal dans une Prius, vous devez la pousser en mode électrique en appuyant un peu moins sur l'accélérateur; avec l'Insight, vous accélérez aussi doucement que possible et conservez une vitesse constante.

Conduisant de cette façon, mais aussi occasionnellement de manière plus agressive, j'ai réussi à obtenir près de 70 milles au gallon (3,4l/100km) dans mon aller-retour à Las Vegas, soit environ 1000 km avec un seul plein de 10,6 gallons (40 litres) d'essence régulière sans plomb.

Avec plusieurs des véhicules que j'ai conduits au fil des ans, j'étais chanceux de réussir un aller seulement sans faire le plein et ce, avec des réservoirs deux fois plus gros.

Mais si l'Insight domine l'économie d'essence, elle traîne la patte au chapitre des ventes. Honda n'a pas réussi à atteindre son objectif de 6500 véhicules vendus tous les ans; certaines années, on ne s'est même pas rendu à mi-chemin. Quand les derniers modèles 2006 auront été écoulés d'ici l'automne, Honda estime qu'elle aura vendu moins de 18 000 Insight en sept ans.

Il est vrai que l'auto à deux sièges est minuscule, que sa tenue de route est curieuse et qu'on n'y est pas très confortable. Son prix est élevé dans la catégorie des sous-compactes. Des hybrides plus grosses et plus polyvalentes, comme la Civic (Honda) et la Prius (Toyota) coûtent à peine plus cher.

Si les prix de l'essence continuent de grimper - pour atteindre 4 ou 5$ le gallon aux États-Unis - un nombre croissant de conducteurs de grosses américaines pourraient finir par comprendre que l'Insight était une voiture d'avant-garde.

Il sera, malheureusement, trop tard.

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DES VENTES MINIMALISTES AU CANADA

Ne cherchez pas de Honda Insight sur les routes du Québec. Aussi bien chercher une aiguille dans un botte de foin ! Cette hybride n'a pas connu un grand succès dans la Belle Province : aucune vente en 2005, à peine trois unités en 2004. Si l'Insight a été (à peine) plus populaire dans le reste du Canada, on ne peut parler de ventes records : cinq unités en 2005, neuf en 2004, et 15 jusqu'à maintenant en 2006.

- Gibeault, Éric-Pierre