Notre dépendance à la voiture est telle qu'on prévoit que les émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada vont augmenter du tiers d'ici 2020. Catastrophique ? Ce n'est rien. Les habitants des pays émergents succombent massivement à l'attrait énorme de l'auto. Et il nous sera très difficile de leur faire renoncer à ce dont nous sommes incapables de renoncer nous-mêmes.

Jean Mercier se défend de vouloir «démoniser» l'auto. Mais plus que jamais, le professeur de l'Université Laval estime que son contrôle constitue l'enjeu environnemental prioritaire pour la santé de la planète. Et il est plutôt «pessimiste».

Parce que les pays émergents, conseillés par les ingénieurs occidentaux, sont en train de répéter nos erreurs : étalement urbain et construction massive de routes.

La tendance est étouffante. En Amérique, nous avons atteint un plateau d'environ 600 voitures par 1000 habitants. En Chine, ils en sont à 8 par 1000... On prévoit donc que les 815 millions d'autos actuelles sur la planète tripleront d'ici 2030 - et les GES en conséquence. Déjà, l'auto brûle la moitié de la production mondiale de pétrole.

Or, les modèles vendus en Asie et en Afrique sont plus polluants, causant déjà des ravages en maladies respiratoires en raison des embouteillages. Sans parler des accidents.

Réponse normale : construisons des routes. Et empiétons sur les terres agricoles. Un réflexe que le prof Mercier trouve totalement aberrant alors qu'on pourrait miser sur les autobus, le métro et autres tramways. Mais il y a la réalité. Les décideurs, eux-mêmes des utilisateurs d'autos qui veulent étaler leur nouvelle prospérité, peinent à trouver les fonds pour développer le réseau routier. Alors pensez bien que pour les infrastructures coûteuses de transports en commun...

<b>Densifier les villes</b>

Le clou dans le cercueil : «(Le protocole de) Kyoto n'est pas pensé en fonction de financer les villes qui veulent aménager leur transport de façon durable», analyse Jean Mercier.

Que faire pour contrer la tendance naturelle vers l'auto ? Densifier les villes. En hauteur. Il y a un lien direct : plus il y a de gens au mètre carré, plus il y a d'utilisateurs de transports en commun, et donc moins de consommation de carburant par personne. Ça se vérifie autant à Singapour, à Amsterdam qu'à New York.

Un «défi énorme», concède le prof. Il faut apprendre à développer conjointement transport et aménagement; pas facile, on a juste à penser au cafouillage récent du prolongement de l'autoroute Robert-Bourassa. Ce qui suppose aussi une conception basée sur l'intermodalité, soit la capacité pour la population de passer facilement d'un mode de transport à un autre (du vélo à l'autobus, par exemple).

Et compte tenu de la complexité de la problématique, il faut aussi une intervention centralisée des gouvernements, voire un certain autoritarisme.

Impossible ? Ce n'est pas tout. Outre l'attrait universel et symbolique de l'auto, bien implanté dans l'inconscient collectif, il faudra convaincre les Occidentaux de la nécessité morale de partager savoir et prospérité pour la construction de ces infrastructures dans les pays en voie de développement.

Jean Mercier remarque qu'on disait avant que les seules certitudes dans la vie étaient les taxes et la mort. Il faut maintenant y ajouter l'automobile.

Peut-être. Mais cette semaine, des experts du monde entier, et pas des moindres, vont dévoiler un nouveau rapport sur les changements climatiques qui devrait imposer un peu plus la nécessité et l'urgence d'agir. En commençant par donner l'exemple et modifier nos comportements.