Il y a 25 ans, la société Chrysler a lancé ses Autobeaucoup, un véritable événement à l'époque, tant l'irruption de ces nouveaux modèles a bouleversé le paysage automobile.

Familiale et ludique, plébiscitée par tous les membres du foyer jusqu'aux enfants, devenus de véritables fanatiques, l'Autobeaucoup et ses semblables ont imposé de nouvelles exigences qui demeurent très en vogue: habitacle haut et spacieux, position de conduite élevée, surfaces vitrées imposantes et sièges mobiles. Que des qualités. Et pourtant, cette catégorie se meurt. La concurrence se défile et abandonne le rêve de menacer la suprématie que Chrysler exerce - toujours - dans la catégorie. Si les consommateurs sont convaincus des nombreux atouts de la fourgonnette, plusieurs se disent fatigués de sa ligne cocon, tournée vers l'intérieur. Elle n'est plus aussi expressive à leurs yeux. Ils veulent le contenu astucieux de la fourgonnette dans quelque chose qui ne lui ressemble pas, et se ruent sur les multisegments apparus entre-temps, aux lignes plus tendues, plus sportives ou plus audacieuses.

 

C'est ici qu'intervient Ford avec sa dernière trouvaille: le Flex. Ce véhicule est le parfait croisement de la familiale et de la fourgonnette. Est-ce là la recette pour déboulonner la fourgonnette de son piédestal?

 

Vie à bord

Même s'il lui est impossible de prendre des formes plus libres et, du coup, de cultiver une certaine fantaisie de style, la Town&Country fait sa marque. Sa carrosserie adopte le style mégalithique de la 300, caractérisé par une silhouette tout en épaulements, une ceinture de caisse élevée, des passages de roues en relief et une calandre géante. Le mobilier intérieur s'inscrit dans cette même cohérence du volume droit et massif avec de petites notes d'alliage satiné.

Soucieuse de ne pas donner l'illusion qu'il a de vieux os, la Town&Country en met plein la vue à quiconque fait coulisser ses portières avant. L'équipement comporte 30 nouveautés. Aux sièges escamotables sous le plancher (Stow 'n Go) déjà connus s'ajoutent des baquets pivotants (Swivel 'n Go) dans la rangée médiane; on peut les tourner face à la banquette du troisième rang et planter une table au beau milieu. Pour mettre plus d'ambiance, on peut compter sur l'éclairage indirect style aviation, et on peut se rafraîchir grâce aux glaces coulissantes dans les portières antérieures.

Face à ce débordement d'innovations, le Flex paraît tendre des mains vides. Bien sûr, il y a le frigo (un vrai) et le toit panoramique, mais c'est à peu près tout. Les rangements sont peu nombreux compte tenu du gabarit et de la vocation de ce véhicule. Aux plans de la modularité et des astuces, la fourgonnette de Chrysler demeure reine. Son espace de chargement est beaucoup plus vaste, beaucoup plus plat et beaucoup plus facile d'accès. En un mot, pratique. Le Flex n'y peut rien et doit, une fois de plus, s'incliner. À sa décharge, mentionnons que le produit Ford est (beaucoup) plus étroit et plus court, en hauteur aussi bien qu'en largeur, que son opposant d'un jour qui repose, faut-il ajouter, sur un empattement plus généreux.

Même si certaines mensurations du Flex le handicapent, il a sensiblement le même volume habitable que son adversaire. De fait, indépendamment de la rangée visitée, le Ford offre le meilleur dégagement à la tête et aux jambes. La Town&Country prend sa revanche au plan du dégagement des épaules et des hanches. Laissons tomber les statistiques: sur le plan du confort général, le Flex l'emporte. Ses assises généreuses et ses dossiers galbés font du Ford une nouvelle référence. À cela s'ajoute une qualité de présentation très valorisante et nettement supérieure à l'offre de Chrysler, dont la qualité des plastiques désole plus que jamais, surtout à bord d'un véhicule de ce prix.

Sur la route

Abordons le côté bielles et pistons de ce match, et rappelons que la Town&Country accueille un V6 de 4 litres à simple arbre à cames en tête dont la rusticité apparente est compensée par une force de couple intéressante. Plus moderne, la mécanique du Flex ne paraît pas, sur papier, aussi véloce. Il faut tenir compte du poids. Nos mesures enregistrées à l'aide d'un accéléromètre électronique le confirment: le rapport poids-puissance (légèrement) plus avantageux du Ford lui permet de passer devant la Town&Country au fil d'arrivée. Plus rapide, le Flex n'est pas une bombe pour autant, et nous attendons impatiemment le jour pas si lointain où Ford proposera une version de ce moteur suralimentée par turbocompresseur. D'ici là, il faut composer avec cette version atmosphérique dont la puissance est, comme certains autres véhicules de son espèce (GMC Acadia, Buick Enclave, Hyundai Veracruz, etc.) suffisante, sans plus. Peut-être cette mécanique aurait-elle été mieux exploitée si Ford avait eu l'idée d'offrir une sélection manuelle sur sa boîte automatique à six rapports. Moins raffiné sans doute, le 4 litres de Chrysler fait tout de même son travail. Un peu plus sonore que le V6 de Ford, il a le grand mérite, malgré sa cylindrée plus importante, de consommer l'essence avec plus de modération.

Sur la route, le châssis du Flex est nettement supérieur à celui de la Town&Country. Même si cette dernière nous fait bénéficier depuis sa refonte d'un plus grand confort à vide et d'une meilleure stabilité sur les routes tordues, le châssis du Flex est indéniablement supérieur en matière de rigidité. De plus, jamais sans doute les éléments suspenseurs de cette plateforme née chez Volvo n'ont aussi bien joué leur rôle. Les inégalités sont impeccablement filtrées (un peu sèchement, selon nos passagers), sans les bruits parasites qui bourdonnaient à l'arrière. Là, il ne reste qu'une grande impression de confort, mais avec des sensations de conduite précises.

Même optimisation pour la direction, qui assure un toucher de route clair et une assistance correctement dosée sur l'autoroute. En ville, c'est une autre histoire. Le Flex paraît lourd, empesé et impossible à garer du premier coup, en raison d'un diamètre de braquage très prononcé. À ce chapitre, la Town&Country se révèle plus agréable. Il n'en reste pas moins que le produit Chrysler conserve un comportement un peu pataud. La souplesse de ses suspensions et l'amortissement procurent davantage de confort que de résistance au roulis. Chrysler y a ajouté un contrôle dynamique de trajectoire qui gère en particulier le sous-virage. Sans chercher à l'épargner, le châssis de la Town&Country nous a paru très sain et capable de se passer sur le sec de cette gestion électronique que l'on peut court-circuiter. Évidemment, ce n'est guère dans l'esprit d'un propriétaire de fourgonnette, qui préférera se reposer sur cette veille de sécurité et se satisfaire du comportement très honnête, mais aucunement excitant de son véhicule. À ce chapitre, le Flex fait bien meilleure impression. Toutefois, même s'il est étonnamment dynamique au point de nous faire croire qu'il est sous-motorisé, le Ford nous rappelle très vite qu'il n'est pas un étalon. Le sous-virage se manifeste somme toute assez tôt et le freinage, difficile à moduler, perd rapidement de son efficacité lorsqu'on le sollicite trop. D'ailleurs, à la surprise générale, la Town&Country s'immobilise sur une distance plus courte.

Budget

À la dernière étape de ce match, il est nécessaire d'apporter certaines nuances. Dans sa livrée SEL, le Flex offre un meilleur rapport prix-équipements que la version Touring de la Town&Country. En revanche, la donne change complètement si vous optez pour les versions plus élitistes (Limited, dans les deux cas).

Cela dit, le Flex a l'avantage d'être le seul à offrir un rouage intégral. Un atout précieux dans un pays comme le nôtre, mais il faut savoir que ce dispositif entraîne une augmentation de la consommation et des émissions.

Profitant d'une valeur résiduelle (présumée) supérieure à celle de la Town&Country, d'une qualité d'assemblage soignée et de réelles qualités dynamiques, le Flex s'empare de la victoire sans toutefois mettre K.-O. la fourgonnette de Chrysler, dont la très grande polyvalence demeure inégalée à ce jour. Par conséquent, pour de l'espace à revendre, pas le choix, elle demeure le meilleur achat, mais il faudra cependant fermer les yeux sur plusieurs autres aspects.