À notre connaissance, Maurice «Rocket» Richard n'a jamais possédé d'Oldsmobile Super 88. En fait, le Rocket cité dans le titre est le nom d'un moteur, tout simplement. Mais pas n'importe lequel.

La Deuxième Guerre mondiale, malgré les atrocités qu'elle a engendrées, a aussi apporté son lot d'innovations techniques. C'est ainsi que durant la guerre, les ingénieurs américains ont créé des essences à indice d'octane plus élevé (jusqu'à 100) dans le but d'améliorer les performances des avions. À titre de comparaison, précisons que l'indice d'octane de l'essence se situe aujourd'hui entre 87 et 94.

 

À la fin du conflit, les constructeurs d'automobiles ont repris la production délaissée quelques années auparavant, et les progrès technologiques découlant de l'effort de guerre se sont rapidement retrouvés dans la voiture de monsieur Tout-le-Monde.

Le début de la course à la puissance

Le principe de l'indice d'octane élevé a vite été récupéré par General Motors qui, dès 1949, a proposé à la clientèle d'Oldsmobile un moteur évolué, le V8 Rocket. Ce moteur à soupapes en tête, plus compact et plus léger que les autres, s'accommodait facilement d'un taux de compression plus élevé (7,5 à 1, par opposition à 6 ou 6,5 à 1) et faisait appel à une essence à indice d'octane plus élevé. Ces deux éléments réunis se sont traduits par une augmentation des performances doublée d'une baisse de la consommation, un facteur auquel on était encore sensible dans les années 40. En 1949, Cadillac a aussi proposé un V8 semblable construit sur la même base, mais doté de pièces différentes. Pour plusieurs, c'est donc en 1949 qu'a commencé la course à la puissance qui a mené aux excès des muscle cars de la fin des années 60. D'ailleurs, en 1949, c'est à une Oldsmobile 88 décapotable que l'on a confié le prestigieux rôle de «pace car» des 500 Milles d'Indianapolis.

Au début des années 50, le V8 Rocket était LE moteur à battre, autant sur route que sur les pistes de NASCAR. Des améliorations constantes ont porté sa puissance de 135 chevaux, en 1949, à 160, en 1952 et, enfin, à 240 en 1956, la dernière année avant l'arrivée de la deuxième génération de ce moteur. Cette augmentation de puissance de plus de 75% s'est accompagnée d'un couple impressionnant de 284 livres-pied à 1800 tours/minute dans la version 1952. Avec un modèle 1949, il était possible de faire le 0 à 96 km/h (0 à 60 mi/h) en 12,2 secondes, une donnée fort respectable à l'époque.

Chez Oldsmobile, le Rocket a trouvé refuge sous le capot des deux modèles haut de gamme, soit les 88 et 98. Au fil des ans, la 88 est devenue la série d'entrée de gamme. Question d'image, on a alors créé l'Oldsmobile 88 Deluxe et la 88 Super; cette dernière était une version plus huppée qui a eu droit au moteur Rocket, tout comme la 99, qui figurait toujours au catalogue.

Rocket et HydraMatic

En 1952, année de la Super 88 de Guy Hébert que nous avons photographiée à l'été 2007, Oldsmobile a pris le quatrième rang des constructeurs américains, derrière Chevrolet, Ford et Plymouth. Le style de la carrosserie des Oldsmobile était loin d'être criard; mais les amateurs de performance savent toujours reconnaître un bon moteur et les ventes d'Oldsmobile s'en sont ressenties. Précisons que ce succès a aussi été attribuable à la transmission automatique HydraMatic, que plusieurs autres constructeurs ont décidé d'acheter à GM pour en équiper leurs modèles.

Oldsmobile a été le premier, en 1940, à proposer une transmission entièrement automatique destinée à la production de masse. La HydraMatic avait été conçue par les ingénieurs de Cadillac, mais l'état-major de General Motors a choisi Oldsmobile pour la mettre à l'épreuve, évitant de compromettre le prestige de Cadillac en cas de problèmes.

Quant au moteur Rocket, il a dû, dès 1955, se battre à armes inégales contre le redoutable moteur Hemi de 300 chevaux qui animait les nouvelles Chrysler 300. Oui, la course à la puissance était bel et bien lancée. Elle a ralenti sensiblement, dès le milieu des années 70, pour reprendre de plus belle 20 ans plus tard.