Mettant en vedette deux équipes de hockey amateur dirigées par Michel «Le Tigre» Bergeron et Guy «Carbo» Carbonneau, La série Montréal-Québec, en ondes à compter de demain, 20h, à TVA, sera-t-elle aussi rassembleuse que Star Académie, Lance et compte ou... un match du Canadien? Notre journaliste, partisane fanatique des Saguenéens de Chicoutimi dans une autre de ses vies (go, Sags, go!), en a discuté avec Stéphane Laporte, concepteur et réalisateur de l'émission. Entrevue en forme de match.

PREMIÈRE PÉRIODE

Question - Certains mettent en doute l'intérêt que suscitera un match de hockey disputé par des joueurs non professionnels, comme le seront les huit matchs de La série Montréal-Québec. La durée des périodes sera plus courte (15 minutes au lieu de 20), mais est-ce que ça sera aussi intéressant qu'un match de la LNH?

Stéphane Laporte - Oui, parce que l'émission repose sur la bonne vieille rivalité Montréal-Québec. C'est comme si on s'organisait un tournoi pour régler ça entre nous autres! J'ai toujours trouvé absurde qu'il faille attendre après New York et Toronto pour que Montréal et Québec puissent enfin jouer l'un contre l'autre (à l'époque des Nordiques).

Et puis, il y a tellement de Québécois qui jouent au hockey! On a eu 10 000 inscriptions pour la Série, c'est plus qu'on n'en a jamais eu pour Star Académie (7000 inscriptions pour la deuxième promotion). Les recruteurs ont fait un travail colossal, c'était un vrai marathon de hockey, de 8h à 22h sur la glace. C'est fou, le monde qui sait patiner, ici; il y a des gens qui se bookent un aréna le vendredi soir, minuit, parce que c'est le seul temps libre de la patinoire. Quel autre sport provoque un tel amour chez nous? Les 32 joueurs sélectionnés pour l'émission représentent donc tous ceux qui jouent au hockey au Québec. Et on va les aimer parce qu'on va les connaître. Aujourd'hui, tout ce qu'on connaît des joueurs professionnels, c'est leur numéro et leur salaire - ou leurs problèmes de consommation (rires). Moi, j'aimerais recréer la proximité qu'il y avait avec le hockey quand j'étais petit: j'avais 5 ans, je jouais au hockey dehors, et quand je rentrais dans la maison, je regardais Jean Béliveau, un adulte, qui jouait lui aussi: c'était comme s'il faisait partie de mon monde. Hey, Béliveau faisait la même chose que moi!

DEUXIÈME PÉRIODE

Question - Un des points forts de l'émission, c'est la présence de Guy Carbonneau à la tête de l'équipe de Montréal et Michel Bergeron aux commandes de celle de Québec. Est-ce que ça a été difficile de les convaincre?

Stéphane Laporte - Quand j'ai rencontré Carbo, il venait de se faire opérer aux deux hanches; on aurait pu faire une course tous les deux, moi en chaise roulante et lui en béquilles! Eh ben, cinq minutes après que je lui eus exposé mon idée, il a dit oui. C'est sans doute le «pitch de vente» le plus court de ma carrière! Même chose avec Bergeron. Pourquoi? Parce que c'est leur élément naturel, la glace, le vestiaire, mais aussi parce j'ai eu l'impression que tous les deux voulaient rendre de cette façon-là l'amour que les gens leur ont donné et leur portent encore. Le Tigre et Carbo, c'est le bon vieux duel bon cop, bad cop, le type odd couple. Complémentaires, mais diamétralement opposés! Bergeron qui est sanguin et verbomoteur; Carbo qui est plus cérébral et parle peu. Même s'il est né à Sept-Îles, Carbo fait très boulevard Saint-Laurent, alors que Bergeron a le physique du Québécois de souche. Mais en plus de l'opposition Montréal-Québec, ils représentent deux générations et deux visions du hockey. Dans le fond, le Madrid sur la 20 (célèbre restaurant sur l'autoroute entre Montréal et Québec), c'est un peu notre mur de Berlin. À l'est du Madrid, les joueurs sont pour Québec, alors que tous les joueurs de Montréal viennent de l'ouest. Pas beaucoup de transfuges, disons!

TROISIÈME PÉRIODE

Question - Michel Quidoz, qui a réalisé La soirée du hockey pendant des années, va réaliser les matchs du dimanche soir. En même temps, il va y avoir un côté human, très contemporain, dans les émissions hebdomadaires et spéciales (réalisées par Laporte). Pourquoi une telle opposition entre le vintage et la modernité?

Stéphane Laporte - Le premier match de hockey dont je me souviens au complet, c'était celui des Canadiens contre St.Louis, le jour de ma première communion, en mai 1968, et c'était Michel Quidoz qui le réalisait. Tu te rappelles aussi le fameux clin d'oeil de Patrick Roy à Sandstrom en 1993? C'est Michel qui l'a capté. Pour La série Montréal-Québec, il fallait la signature de La soirée du hockey, à laquelle on ajoute ce qu'on n'a jamais vu, c'est-à-dire les vestiaires, qu'on va filmer live, en temps réel. Mettons que Bergeron perd 2 à 0 avant la deuxième période: y kicke-tu la poubelle dans le vestiaire? Mettons qu'un des gardiens vient de s'en faire mettre cinq au fond du filet: comment il fait pour se raplomber? La clé du concept, c'est de suivre en parallèle deux histoires, deux équipes, bref, le cow-boy blanc et le cow-boy noir. Le match du dimanche va commencer directement par le pep talk des coachs. Les deux éléments essentiels de la téléréalité, c'est l'élimination progressive et la captivité des participants. Nous, c'est pas ça: on commence avec 32 joueurs, on finit avec 32 joueurs, et ils vont vivre chez eux, sauf quand ils vont jouer dans la ville adverse. C'est pour ça que j'appelle plutôt ça de la télérivalité. La différence entre le show-business et le sport est là: en sport, on ne sait jamais ce qui va arriver. C'est pas pour rien que Robert Gravel s'est basé sur le hockey pour la Ligue nationale d'improvisation: c'est parce que rien n'est jamais joué d'avance au hockey.

PROLONGATION

Question - La série Montréal-Québec va offrir 100% de musique québécoise dans l'émission. Existe-t-il un «Na na na hey hey hey goodbye» francophone?

Stéphane Laporte - On a fait une recherche fouillée, avec les DJ des deux arénas, pour faire une liste d'une centaine de chansons. C'est toujours pour des 10 ou 15 secondes entre deux mises au jeu, ça peut donc donner Passe-moé la puck des Colocs, Salut, mon Ron des Cowboys fringants quand Ron Fournier (l'arbitre officiel de la Série) fait quelque chose de spécial ou Femme libérée quand une des filles vient de compter. La chanson de l'émission, c'est Marc Déry qui l'a composée, et je lui ai demandé de s'inspirer des marches militaires parce c'est un affrontement qui se prépare, un peu comme dans le film Braveheart (rires). C'est comme les logos sur les gilets des joueurs et les fanions: la fleur de lys et le M, ça a un peu un côté croisade... ou gladiateur! Et pour ce qui est des hymnes des équipes, j'ai demandé à Loco Locass (Québec) et à Éric Lapointe (Montréal) d'écrire une chanson qui va pouvoir demeurer au-delà de l'émission, un hommage à leur ville respective, un peu comme la chanson New York, New York.

FUSILLADE

Question - Les équipes sont toutes blanches monoculturelles. Pourquoi?

Stéphane Laporte - Les inscriptions étaient ouvertes à tous, mais le choix final des 32 joueurs a été fait par les coachs. Pas pour la télévision, mais pour gagner!

Question - Oui, mais il y a des femmes et des joueurs plus âgés dans chacune des deux équipes...

Stéphane Laporte - Parce que la série devait être ouverte à tous ceux qui ont une passion pour le hockey. Le running gag, ça va être Michel Bergeron qui a ses habitudes dans un vestiaire, mais qui n'y a jamais vu de fille: ça donne Michel qui dit «les filles, les mesdemoiselles, les dames» quand il s'adresse à elles!

Question - Est-ce que ta blonde va regarder la Série?

Stéphane Laporte - Oui... surtout les points de presse avec Carbo, après les parties. C'est drôle, elle ne regarde pas ceux de Jacques Martin, mais ceux de Carbo ont l'air de l'intéresser...

Question - Une phrase clé pour résumer l'émission?

Stéphane Laporte - Disons que l'idée du baron de Coubertin («L'important, ce n'est pas de gagner, mais de participer») est un peu remise en cause dans la Série. On est plus dans le ton de l'ouverture de Wide World of Sports, à ABC, qu'on pourrait traduire par «l'agonie de la défaite, l'allégresse du triomphe». Ou, pour reprendre les mots mêmes de Michel Bergeron: «L'important, c'est de gagner, estie!»

Huit matchs

La Série Montréal-Québec sera diffusée à TVA du 24 janvier au 28 mars, à raison de trois émissions par semaine: le dimanche, de 20h à 22h, le match; le lundi, à 19h30, l'après-match (30 minutes); le jeudi, à 19h, la préparation pour le prochain affrontement (60 minutes). Cérémonie d'ouverture le 24 janvier et Soirée des champions le 28 mars.

Les huit matchs seront disputés à l'Auditorium de Verdun (Montréal) ou au Colisée Pepsi et au Pavillon de la jeunesse (Québec).

Billets gratuits, sur le site www.tva.canoe.ca (premier arrivé, premier inscrit).

À chaque match, les téléspectateurs choisiront, dans chaque équipe, un joueur qui restera sur le banc («benché») pendant la partie.