Marchands et collectionneurs asiatiques, principalement chinois, ont animé les ventes d'art d'Asie de décembre à Paris, n'hésitant pas à faire monter les enchères très haut pour remporter des objets chinois rares, surtout lorsqu'ils portaient des marques impériales.

L'Hôtel Drouot à Paris a réalisé sa meilleure performance de l'année 2010 avec un vase impérial chinois du XVIIIè siècle, adjugé 5,5 millions d'euros le 14 décembre.

Ce vase de porcelaine portant la marque impériale de l'époque Yongzheng (1723-1735) avait été utilisé par le passé comme pied de lampe et ses propriétaires n'imaginaient pas qu'il puisse valoir autant. La maison d'enchères Piasa l'avait estimé entre 1 million et 1,5 million d'euros. C'est un collectionneur chinois, présent dans la salle, qui l'a emporté.

Christie's a eu la bonne surprise de voir s'envoler le prix d'un pot à pinceaux en jade de la dynastie Qing (XVIIIè-XIXè siècles). Estimé 150 000-200 000 euros, il a été adjugé à un collectionneur asiatique pour 3,3 millions d'euros - un record mondial pour ce type d'objet.

Chez Sotheby's, un marchand de Hong Kong a acquis pour 589 000 euros un bouddha Amitayus en porcelaine d'époque Qianlong (1736-1795) estimé entre 60 000 et 80 000 euros.

Marchands et collectionneurs asiatiques ne se contentent pas de passer des ordres par téléphone pour les objets rares. Bien souvent, ils font le voyage et sont dans la salle, avec plusieurs catalogues sous le bras, les principales ventes d'art d'Asie se déroulant la même semaine à Paris.

Ils ont l'oeil également sur les ventes non spécialisées. À Drouot, le 15 décembre, la maison de vente Camard dispersait divers objets et meubles. Debout, au fond de la salle, une quinzaine d'acheteurs asiatiques attendaient que passent quelques lots chinois préalablement repérés.

Un talisman Ruyi en bois, orné de plaques de néphrite à décor sculpté d'immortels, d'époque Qing, était estimé 6000 à 8000 euros. Il est parti à 64 000 euros, après une bataille d'enchères animée entre marchands asiatiques. L'acheteur a été applaudi puis l'assistance asiatique a quitté d'un bloc la salle.

«Les Chinois sont assoiffés d'oeuvres d'art de leur pays, dont la Révolution culturelle les a privés», déclare François de Ricqlès, président de Christie's France. «Ce sont des acheteurs très actifs», souligne-t-il.

Dans la vente d'art asiatique de Christie's France du 15 décembre, la part des acquéreurs venant de la Chine continentale a représenté 35% en nombre, mais 75% en valeur. La part des acheteurs de Hong Kong a été de 14% en nombre et de 9% en valeur. Celle des Taïwanais de 13% en nombre et de 2,5% seulement en valeur.

Il y a encore trois ans, Sotheby's France n'organisait pas de vente d'art asiatique à Paris. Désormais, c'est devenu son troisième département, avec un produit de 25,9 millions d'euros en 2010.

«Il y a beaucoup d'objets asiatiques en Europe. Au XIXè siècle et au début du XXè siècle, il y avait un goût prononcé pour ce type d'art», déclare Guillaume Cerutti, président de Sotheby's France.

«Lorsque la provenance de l'objet est impeccable, qu'il est resté dans la même famille depuis des décennies, c'est un atout fort», souligne Mathilde Courteault, directrice du département des arts asiatiques de Christie's France. «C'est l'assurance qu'il est authentique», alors que beaucoup de faux circulent désormais, relève-t-elle.

«Pour les acheteurs chinois, l'art est un investissement. Ils ne le font pas pour se réapproprier leur patrimoine», considère un expert qui souligne que les «musées chinois n'achètent pas». «Cela reste très mercantile», ajoute ce spécialiste.