Le conseil d'administration de l'ADISQ devra désormais faire sans les représentants de Quebecor, acteur crucial au sein de l'industrie québécoise de la musique.

J. Serge Sasseville, vice-président, affaires corporatives et institutionnelles chez Quebecor Média ainsi que Pierre Marchand, qui représentait à l'ADISQ le Groupe Archambault, filiale de Quebecor (dont le groupe possède aussi Vidéotron, un puissant fournisseur d'accès internet), ont remis jeudi leur démission du conseil d'administration de l'association de producteurs d'enregistrements et de spectacles québécois.

 

Par voie de conséquence, ont-ils annoncé, les entreprises de Quebecor engagées dans l'industrie de la musique (magasins Archambault, Sélect, Musicor) ne renouvelleront pas leur adhésion à l'ADISQ l'automne prochain. Les démissionnaires laissent aussi entendre qu'ils ne sont pas les seuls à s'inscrire en faux contre le conseil d'administration et la direction générale de l'association.

«Depuis près de deux ans, quelques partenaires importants de l'industrie de la musique au Québec remettent en question leur appartenance à l'ADISQ parce qu'ils ne se reconnaissent plus dans les décisions et les prises de position de la direction générale de cet organisme, plus proche du militantisme et du syndicalisme que de la défense des intérêts de ses membres, avant tout des entreprises en affaires qui traversent depuis plusieurs années une crise grave qui n'a rien à voir avec le climat économique difficile qui afflige la planète», peut-on lire dans la lettre des deux démissionnaires présentée au conseil d'administration de l'ADISQ, et dont La Presse a obtenu copie.

«À notre grand désarroi, apprend-on par ailleurs dans cette lettre, les divergences d'intérêts se sont multipliées sur les façons de faire face aux défis posés par la révolution numérique en cours entre, d'une part, les joueurs qui ont bien compris les opportunités qui s'offrent à eux dans la nouvelle économie et refusent de reproduire dans ce nouvel univers les règles qui restreignent les entreprises oeuvrant dans les marchés traditionnels et, d'autre part, ceux qui, confrontés au changement, préfèrent le protectionnisme qui résulte des mesures mises en place dans un univers protégé qui n'existe plus.»

Opposés à une réglementation de l'internet, les membres démissionnaires sont plutôt d'avis que le financement étatique doit être repensé afin d'être plus structurant et ainsi permettre de mieux investir le nouvel environnement économique touché par la révolution numérique.

Protectionnisme contesté

«Il y a plusieurs points de désaccord avec l'ADISQ, mais le point principal, c'est sur sa philosophie protectionniste - ce qui ne signifie aucunement que nous n'ayons pas à coeur la santé de la musique d'ici», a indiqué Pierre Marchand, joint hier après-midi.

«Je ne pense pas, a-t-il martelé, que l'on puisse adopter les méthodes de protection mises en place il y a plusieurs années pour faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain. Par exemple, on ne peut être d'accord avec l'imposition de quotas de diffusion de contenus francophones sur l'internet, quotas inspirés du système de réglementation de la radio traditionnelle.»

Quel serait alors le modèle d'affaires qui permettrait une juste rémunération aux producteurs et une juste diffusion de leurs contenus musicaux?

«Nous n'en sommes pas encore à discuter du modèle d'affaires, nous en sommes à poser les bases du développement dans ce nouvel environnement, a répondu M. Marchand. Et nous sommes contre la direction prise par l'ADISQ vers une réglementation de l'internet. Bien sûr, nous sommes prêts à nous asseoir avec les producteurs et propriétaires de contenus musicaux, mais je ne crois pas qu'il faille tout réglementer en reproduisant de vieux modèles. À ce titre, je trouve la vision de l'ADISQ complètement dépassée.»

À l'association de producteurs, on a choisi de ne pas répliquer hier; on préfère présenter en début de semaine prochaine une réponse plus détaillée, qui reflétera la position de la majorité des membres de son conseil d'administration.