Avec la «Prise 2» de la Symphonie du Millénaire et l'exécution des deux premiers mouvements de Berliner Momente, une oeuvre signée Walter Boudreau, la Société de musique contemporaine du Québec atteint le point culminant de son cinquantième anniversaire, soit dans le cadre de son événement biennal Montréal / Nouvelles Musiques (MNM).

La cime sera atteinte avec l'exécution dominicale de la version réduite de la Symphonie du millénaire, près de 17 ans après sa création au pied de l'oratoire Saint-Joseph, devant des dizaines de milliers de personnes à l'époque.

Ils étaient alors 19 compositeurs québécois mobilisés autour de ce projet grandiose, dont Walter Boudreau, directeur artistique de la SMCQ, comme on le sait: Serge Arcuri, Denys Bouliane, Vincent Collard, Yves Daoust, Alain Dauphinais, André Duchesne, Louis Dufort, Sean Ferguson, Michel Gonneville, André Hamel, Alain Lalonde, Estelle Lemire, Jean Lesage, Luc Marcel, Marie Pelletier, John Rea, Anthony Rozankovic et Gilles Tremblay.

«Nous nous étions lancé ce défi après avoir vécu des expériences concluantes à cinq ou six compositeurs. Et ce fut un exercice formidable de créer chacune des fractions interconnectées ou superposées de cette Symphonie en échangeant les consignes de composition», raconte Walter Boudreau.

«Collectivement, nous avions fait plus que ce que nous aurions accompli seuls. C'était l'idée de se dépasser [avec la Symphonie du millénaire].»

L'objectif sous-jacent de ce vaste programme, rappelle en outre le directeur artistique, était de déborder largement le public de la musique contemporaine. «En créant ce happening, nous voulions démontrer qu'écouter la musique contemporaine, ce n'est pas une visite chez le dentiste! Chacun peut y apprécier des oeuvres stimulantes et dynamiques. Il nous fallait donc poser ce geste d'éclat afin que le public puisse s'accrocher à des balises et ensuite être mené ailleurs. Mon voeu avait été exaucé.»

Après la tenue de ce concert historique pour la SMCQ, son leader aurait bien aimé que la Symphonie du millénaire voyage et soit diffusée, mais... nada depuis lors. L'immensité de l'oeuvre en rendait impossibles la vente de l'enregistrement et les nouvelles exécutions.

«Aujourd'hui, souligne notre interviewé, une telle production coûterait environ 5 millions. Pensez donc, 333 musiciens! Même en 2000, la commande dépassait le million et la commercialisation de la bande revenait à environ 1000 $ par musicien. Évidemment, personne n'avait les fonds. J'ai tenté en vain d'implanter le projet en Europe, en Chine, aux États-Unis... ça dort depuis l'an 2000.»

Avec le temps, Walter Boudreau accepté l'idée qu'il était possible d'en faire autre chose. Il a alors entrepris de réduire la Symphonie du millénaire.

«Ravel l'avait fait à l'époque, Stravinski avait aussi aménagé une suite orchestrale de L'oiseau de feu, c'est-à-dire en émondant cette oeuvre qui soutenait un ballet à l'origine. Ainsi, j'ai passé une partie de l'été dernier à analyser cette partition monstrueuse pour ainsi l'adapter à un orchestre symphonique, un grand orgue et un choeur mixte de 16 voix, sans compter des éléments échantillonnés électroniquement. Au lieu de 96 minutes à l'origine, l'oeuvre en fait maintenant 72. Il devient donc possible de la faire circuler partout.»

Ce dimanche après-midi à la basilique de l'oratoire Saint-Joseph, donc, la Symphonie du millénaire sera exécutée par l'Orchestre philharmonique des musiciens de Montréal sous la direction de Philippe Ménard. Philip Crozier officiera à l'orgue, Walter Boudreau déclenchera les échantillons électroniques, une partie congrue des 2000 carillonneurs bénévoles de l'époque pourra même reprendre du service, et Alain Thibault assurera la coordination de toutes les composantes de l'oeuvre.

Berliner Momente

Ce soir et demain à la salle Pollack de l'Université McGill, Walter Boudreau dirigera en outre les deux premiers des cinq mouvements de Berliner Momente, composés sur deux décennies.

«Ça avait commencé en 1988 avec une commande de la Société Radio-Canada afin de célébrer le 750e anniversaire de Berlin. J'étais allé fouiller dans l'histoire de Berlin et j'en avais retenu 33 éléments clés. J'avais fondé Berliner Momente sur deux éléments essentiels: d'une part, le côté clair, noble et lumineux des Allemands, et de l'autre, leur côté sombre et tourmenté. C'était alors la première fois que je m'inspirais du répertoire (Haydn et Wagner), citations auxquelles j'appliquais diverses techniques d'étirement, de compression, de multiplications exponentielles, etc.», raconte le compositeur.

Le deuxième et le troisième mouvements de Berliner Momente furent imaginés et écrits de 1991 à 1993, alors que Boudreau était artiste en résidence à l'Orchestre symphonique de Toronto. En 1998 et 2000, il avait composé le quatrième mouvement alors qu'il collaborait avec l'Orchestre symphonique de Québec. En 2007, une commande de Radio-France lui avait permis de compléter le dernier mouvement... qui ne fut jamais créé par l'Orchestre symphonique de Montpellier, en proie à la faillite.

Selon les dires de son créateur, l'exécution de cette oeuvre exige de ses interprètes un «travail pharaonesque». On comprendra qu'il a eu du mal à trouver un orchestre symphonique pour s'y attaquer, et c'est pourquoi Berliner Momente sera exécutée par fragments sur une période de trois ans.

«Fort heureusement, se réjouit Walter Boudreau, mon ami le maestro Alexis Hauser m'a accueilli à bras ouverts. L'Orchestre symphonique de McGill qu'il dirige compte des interprètes enthousiastes, prêts à consacrer le temps de répétition nécessaire à l'exécution de ces mouvements. Ils en veulent!»

Photo fournie par la Société de musique contemporaine

Les deux premiers des cinq mouvements de Berliner Momente, composés sur deux décennies, seront joués par l'Orchestre symphonique de McGill, aujourd'hui et demain.