L'Orchestre Métropolitain sort des sentiers battus, demain, avec l'ensemble Magillah. Le fil conducteur de leur concert sera la culture juive et yiddish. Ensemble, ils interpréteront une oeuvre du compositeur Henri Oppenheim, inspirée de poèmes yiddish montréalais.

Parisien d'origine, Montréalais d'adoption depuis 1997, Henri Oppenheim a décidé de consacrer sa vie à la musique alors qu'il faisait un postdoctorat en mathématiques. À l'époque, il chantait aussi dans une chorale. Juste après un concert, alors que les choristes s'étaient réfugiés dans un café en pleine crise du verglas, la chef du choeur lui a demandé ce qu'il faisait dans la vie.

«J'ai dit que je faisais des maths mais que je n'aimais pas ça. Elle m'a demandé pourquoi je continuais à faire une chose que je n'aimais pas. Il y a eu un déclic: j'ai réalisé qu'il était temps de changer.» Il s'est donc inscrit en composition à McGill. Multi-instrumentiste, il a ensuite rencontré le chef d'orchestre et compositeur Airat Ichmouratov - qui dirige le concert - et ils ont fondé l'ensemble de musique klezmer Kleztory, qui a connu beaucoup de succès.

Du klezmer au yiddish

Le klezmer est une musique instrumentale juive venue d'Europe de l'Est. Après dix ans avec Kleztory, Henri Oppenheim avait besoin de renouveau. En 2008, il mettait sur pied un nouveau groupe musical, Magillah, qui lance Tur Malka, son troisième album, ce mois-ci.

Alors que Kleztory faisait de la musique instrumentale, Magillah propose des chansons en yiddish. Cette langue dérivée de l'allemand, qui a intégré des éléments d'hébreu et de langues slaves, est née il y a 1000 ans. Avant le génocide de la Seconde Guerre mondiale, le yiddish était parlé par les deux tiers des Juifs d'Europe.

«Mon père est né en Russie puis sa famille est allée vivre en Pologne et ensuite en France. Enfant, j'ai appris le français et le russe, dit Henri Oppenheim. J'ai appris le yiddish par moi-même, dans les livres, au cours des cinq dernières années.»

Poètes yiddish de Montréal

Pour Magillah, Henri Oppenheim a composé des chansons à partir de poèmes yiddish de Montréal.

«C'était dans la continuité de ma démarche. D'abord le klezmer, ensuite les standards yiddish avec Magillah, puis j'ai voulu écrire de nouvelles chansons. J'ai pris de vieux poèmes oubliés en yiddish écrits ici par des immigrants de 1910 à 1970, que j'ai trouvés à la Bibliothèque publique juive. Sept ou huit de ces poètes ont eu un certain retentissement dans leur communauté, qui était très dynamique, à Montréal, dans les années 20. Au fond, mon histoire ressemble un peu à la leur, car je suis moi aussi le fils d'une famille d'immigrants juifs qui ont fui la guerre. Les poèmes que j'ai choisis parlent d'amour, de la vie, de Montréal, de nostalgie et un peu de la mort, mais je me tiens loin de la littérature de l'Holocauste. Je préfère être tourné vers la vie.»

Suite symphonique

À partir de ses chansons en yiddish, Henri Oppenheim a composé la suite symphonique Tur Malka, terme qui vient du Talmud et qui signifie «montagne sacrée» en araméen. Pour les immigrants juifs arrivant à Montréal au début du XXe siècle, Tur Malka représente le mont Royal. Cette oeuvre en neuf mouvements, qui avait été créée en 2014 par l'Orchestre de chambre McGill, sera jouée pour la première fois par un orchestre symphonique.

Le concert sera dirigé par le chef montréalais Airat Ichmouratov. Les autres oeuvres au programme: Ouverture sur des thèmes juifs de Serge Prokofiev, Kol Nidrei de Max Bruch et Schelomo - Rhapsodie hébraïque pour violoncelle solo et grand orchestre d'Ernest Bloch, avec le violoncelliste invité Yegor Dyachkov.

À la Maison symphonique demain, 15 h. Une conférence sur les oeuvres avec Alexis Raynault est présentée une heure avant le concert.