L'affiche annonce «Orchester Jakobsplatz München». De l'allemand au français, cela donne «Orchestre de la Place Jakob de Munich». Et qu'est-ce que la «Place Jakob» de Munich? Internet corrige: «St.-Jakobs-Platz». Et explique qu'il s'agit du «centre de la vie juive de Munich, comme avant la guerre». Le programme complète l'information: l'orchestre en question se produit au Centre communitaire juif situé sur ladite place.

Voilà qui est plus clair. On y lit encore que l'orchestre, fondé en 2005 par son directeur actuel, Daniel Grossmann, «se veut une voix judéo-allemande dans la vie culturelle de l'Allemagne». On ignore ce que cela veut dire exactement. Mais on constate que le répertoire de l'orchestre, présentement dans sa première tournée en Amérique, jumelle deux noms rarement vus ensemble: Wagner, que son antisémitisme a fait interdire en Israël, et Mahler, qui était juif.

La Fondation Arte Musica, qui a inscrit le concert dans l'exposition vénitienne du Musée, y va d'un autre lien historique: Wagner est mort à Venise et... Mort à Venise est précisément le titre d'un film où l'on entend la musique de Mahler.

On compte 26 musiciens sur scène. Étrangement, deux sont d'ici: le clarinettiste Simon Aldrich et le corniste Jocelyn Veilleux. La soliste est également d'ici: Karine Boucher, soprano.

Et l'orchestre? D'un niveau honnête, mais très ordinaire. Et il est difficile de parler de chef à propos de l'homme debout devant lui. Siegfried-Idyll est joué machinalement et découvre une intonation légèrement douteuse chez les cordes et un son de hautbois plutôt curieux. Oublions un parfait raté du cor: cela se produit ailleurs aussi.

Karine Boucher projette une belle voix et montre quelques bonnes idées pour les Wesendonk (ou Wesendonck, tout dépend des éditions). Hélas! celui qui fait mollement office de chef a du mal à la suivre. Et le troisième lied est joué beaucoup trop vite. Il est indiqué «langsam». Cela veut dire «lent». C'est à se demander si le responsable comprend l'allemand!

Ce qu'on appelle Adagio d'Albinoni, et qui serait plutôt un arrangement d'un certain Remo Giazotto, apparaît dans une instrumentation nouvelle et avec, encore, le hautbois de tout à l'heure. Tant qu'à prendre deux musiciens d'ici pour combler les rangs, pourquoi ne pas y avoir aussi recruté le hautbois?

On termine sur l'Adagio de l'inachevée 10e Symphonie de Mahler. Cette page peut être déchirante lorsque prise en mains par un vrai chef. Ici encore, une lecture de routine et sans émotion.

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ORCHESTER JAKOBSPLATZ MÜNCHEN. Chef d'orchestre: Daniel Grossmann. Soliste: Karine Boucher, soprano. Mercredi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts.

Programme:

Siegfried-Idyll (1870) - Wagner

Wesendonk-Lieder (1858) - Wagner

Adagio, d'après Albinoni (1958) - Giazotto

Adagio de la Symphonie no 10 (1910) - Mahler