Armée de sa seule guitare et de sa belle voix grave, une jeune Québécoise discrète est en train d'initier les amateurs de folk aux poèmes de la grande Dorothy Parker: fans de mélodies fortes, de poésie sensible, de guitare jouée avec âme, de timbre de voix qui apaise, voici Myriam Gendron. Et son album Not So Deep As A Well.

Soir de mars frigorifié. Boulevard Saint-Laurent, la petite salle de spectacles de la Casa del Popolo affiche archicomplet. Ce n'est pas ça, l'extraordinaire: c'est que cette foule pépiante, bruissante et rieuse se tait complètement et écoute attentivement dès que Myriam Gendron empoigne sa guitare, ferme les yeux et se met à chanter.

Car Myriam n'ouvre pas les yeux quand elle chante, toute aux beaux poèmes de l'Américaine Dorothy Parker, qu'elle a découverts par hasard et qu'elle a mis en musique avec ses mélodies bien à elle, à la fois fraîches et classiques, sur sa guitare. «Je m'inspire beaucoup des berceuses, des mélodies en apparence toutes simples», explique Myriam Gendron, 27 ans, native d'Ottawa, mais élevée à Gatineau, Washington, Paris et Montréal.

Se lancer de nouveau

La Casa del Popolo était remplie ce soir-là pour le spectacle-lancement du premier CD de Myriam Gendron. En fait, il s'agissait d'un relancement: Not So Deep As A Well est sorti pour la première fois l'an dernier, sur deux étiquettes américaines («J'avais approché trois maisons...»): la version vinyle par Feeding Tube Records (dans le Massachusetts) et la version numérique par Mama Bird Recording (Oregon).

Et alors? «Alors, je suis tombée enceinte au moment où j'ai fini d'écrire l'album. Et alors, l'album est parti tout seul, pendant que je m'occupais de mon bébé», explique tranquillement Myriam Gendron, qui est libraire, mais prend actuellement soin de sa petite Cléo. D'où ce nouveau lancement, cette fois en format CD, avec deux chansons en prime, chansons qu'on peut aussi se procurer sur... 45 tours!

Mais le fond de l'affaire, c'est qu'elle n'est pas précisément opportuniste, Myriam, c'est le moins qu'on puisse dire. En fait, son intention de départ n'était pas de faire un album. «Au début, j'ai commencé à mettre en musique un poème de Dorothy Parker (Threnody, qu'on pourrait traduire par Complainte) parce que je trouvais le texte beau, tout simplement. En même temps, j'avais envie de découvrir les logiciels de traitement de son, pour le plaisir de "gosser", d'apprendre à les utiliser, en dilettante. Alors, j'ai enregistré un poème avec ma musique. Puis d'autres... C'est sûr que, rendue à six ou sept chansons, j'ai commencé à penser que ce serait peut-être un album...»

Produit maison

À l'instar d'une Michelle Shocked (qui avait enregistré ses Texas Campfire Tapes avec une simple enregistreuse) ou d'un Bruce Springsteen utilisant un magnétophone pour faire Nebraska, Myriam Gendron a enregistré son album dans sa chambre, toute seule avec ses logiciels, ses mélodies, son inexpérience et sa grâce naturelle.

On ose à peine le dire, mais il y a là ce qu'il faut bien appeler une pureté et une honnêteté foncières dans la démarche de cette jeune femme, qui reconnaît sans esbroufe: «C'est juste du folk que je suis capable de faire.» C'est juste très bien qu'elle le fasse ainsi, son folk nourri de poésie.

Myriam Gendron sera en spectacle le 24 avril à la Vitrola, à Montréal, et le 15 mai à Toronto, ainsi qu'au New Hampshire en juin.

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FOLK. Myriam Gendron. Not So Deep As A Well. Mama Bird Recording Co.

Qui est Dorothy Parker?

«C'était une grande féministe qui a toujours suscité le respect des hommes», dit Myriam Gendron de l'écrivain, scénariste et journaliste américaine Dorothy Parker. Reconnue pour son humour vitriolique et son intelligence aiguë (on la surnommait «The Wit»!), Dorothy Parker, née en 1893 dans le New Jersey, a été critique théâtrale et littéraire. Elle a aussi publié de nombreux poèmes et nouvelles et écrit des scénarios pour Hollywood. Militante de gauche, elle a figuré sur la liste noire du maccarthysme. Alcoolique, elle est morte en 1967 et a légué tous ses biens au mouvement civique de Martin Luther King, quelques mois avant l'assassinat de celui-ci.