John, Paul, George et Ringo sont à l'étude. Une université anglaise donne depuis peu un programme de maîtrise exclusivement consacré aux Fab Four. La première diplômée est une Canadienne.

Mary-Lu Zahalan aimait tellement la musique pop, qu'elle a voulu aller à la source. En janvier, cette Canadienne est officiellement devenue la première diplômée du programme «Beatles» de l'Université Hope à Liverpool. Une maîtrise obtenue avec haute distinction.

«Depuis une semaine, je n'arrête pas de faire des entrevues. La nouvelle a fait boule de neige», lance l'Ontarienne de 54 ans, qui vient à peine de revenir à la maison.

Prof de musique pop au Collège Sheridan d'Oakville, Mme Zahalan se décrit comme une «admiratrice non fanatique» des Beatles. Mais elle n'a pas hésité à mettre son emploi et sa famille de côté pour poursuivre ses ambitions jusqu'au bord du fleuve Mersey. Il faut dire que sur une centaine de candidatures, seulement 12 chanceux étaient admis à ce tout nouveau programme d'études supérieures intitulé «Beatles, Popular Music and Society».

«Mes antécédents comme musicienne, chanteuse et professeur ont probablement aidé ma cause», lance celle qui a payé la bagatelle de 12 000$, rien que pour le cours. «Mais il a fallu que j'aille puiser dans mes REER!»

Le Canada avant les États-Unis

Quatre cours obligatoires étaient au programme: Connaissance la musique populaire, Beatles et musicologie (approche sémiotique de l'oeuvre), Histoire de Liverpool (société, économie, contexte géographique) ainsi qu'Histoire et pensée critique (approche ethnographique des Beatles).

Quant à la thèse de Madame Zahalan, elle porte plus précisément sur le «capital culturel» et le «postcolonialisme latent» qui ont permis au Canada d'adopter les Fab Four avant les États-Unis.

«Nous avons définitivement allumé avant les Américains, souligne la diplômée, dans un louable effort de vulgarisation. Les premières chansons des Beatles ont joué à la radio canadienne dès décembre 1962, alors qu'elles ne sont entrées aux États-Unis que quelques semaines plus tard en 1963.»

Pourquoi? «Tout simplement parce que le Canada avait encore un lien très fort avec le Royaume-Uni. Les ressortissants anglais faisaient circuler l'information. Ils ramenaient les derniers disques à la mode. Le dépisteur de Capitol au Canada était un Anglais. Et l'émission de radio où les Beatles ont été entendus la première fois, à CFRB Toronto, s'adressait aux Britanniques du Canada.»

L'autre raison, ajoute-t-elle, c'est que les Américains ont d'abord résisté. «Ils avaient déjà les Beach Boys. Ils ne voyaient pas le besoin d'adopter un autre groupe dans le même genre. Mais leur discours est tellement dominant, qu'ils ont fini par faire croire au monde qu'ils avaient été les premiers en Amérique.»

Beatles universitaires

Le diplôme de Mme Zahalan en a fait sourire plus d'un. BBC en tête, les médias britanniques n'ont pas manqué de la «cuisiner» sur la légitimité universitaire des Beatles. Un groupe pop? À la maîtrise?

«Justement, rétorque la principale intéressée. Les Beatles ne sont pas qu'un groupe pop. Leur succès n'est pas seulement dû à leur travail acharné, mais à une conjonction de choses qui n'auraient pu se passer ni avant ni après. Ils en disent plus que beaucoup d'autres sur le monde et l'histoire récente.»

Les Beatles et l'Amérique latine, les Beatles et Charles Manson, ainsi que les accents régionaux dans l'oeuvre des Beatles sont parmi les autres sujets de thèses réalisées par la «promotion 2011», qui compte six autres diplômés.

Ancienne reine de beauté finaliste au concours Miss Canada 1976, Mary-Lu Zahalan a passé les 16 premières années de sa vie à Montréal et à Québec, où elle étudié au collège Katimavik.

Mais c'est en Ontario qu'a commencé sa carrière de chanteuse, qui lui a notamment valu une nomination au gala des prix Juno en 1983 comme meilleur espoir féminin. Malgré l'appui d'une importante compagnie de disques et la collaboration d'un certain David Foster, l'espoir a toutefois déchanté: ses trois albums solo n'ont pas eu le succès escompté, pas plus que le disque Invisible du mythique groupe franco-ontarien Cano, auquel elle a participé en 1988.

Vie de famille oblige, la pop star a fini par se ranger. Mais elle n'a jamais cessé de chanter. En plus d'enseigner la musique, elle a prêté sa voix - en français et en anglais - à plusieurs jingles pour les magasins Sears, de même qu'à des cassettes de chansons de Barbie pour la compagnie Mattel. «Barbie and the rockers. Je m'en souviens encore!» lance-t-elle.

L'étrange destin de Mary-Lu recroisera-t-il la route de John, Paul, George et Ringo? Rien n'est exclu, admet Mme Zahalan.

«J'ai l'impression de n'avoir gratté que la surface. Et mon directeur de thèse m'encourage déjà à faire un doctorat. Mais d'abord, me remettre du décalage horaire...»