Sur The Fall, son quatrième album studio en sept ans, Norah Jones a changé de musiciens, de style - un peu plus rock - et même de coupe de cheveux. Sa voix, elle, est toujours aussi agréablement suave. Mais surtout, la jeune femme semble rajeunir à vue d'oeil, si c'est possible. On lui a parlé de tout cela il y a quelques jours...

Norah Jones doit être rendue à sa 182e entrevue téléphonique et la fatigue s'entend dans sa voix, au bout du fil. Mais elle est tout de même plus détendue que ce n'était le cas à ses débuts en 2002, 2003, 2004. «J'étais tellement estomaquée par tout ce qui m'arrivait, à l'époque, je n'arrivais tout simplement pas à sourire, je crois!» explique-t-elle. Effectivement, à l'époque, elle vendait des millions d'albums et tout le monde s'arrachait «la fille de Ravi Shankar»!

Aujourd'hui, elle vend toujours beaucoup, mais peu de gens évoquent le nom de son père et, surtout, elle semble avoir plus de plaisir à vivre. Particulièrement depuis deux ans, si on en juge par le spectacle qu'elle avait présenté en mai 2007 au Théâtre Saint-Denis et par son nouvel album The Fall, en magasin depuis quelques jours. Miss Norah semble tout simplement plus jeune. Est-ce possible quand on vient tout juste d'avoir 30 ans? «Je crois que vous avez raison, répond-elle après un instant de réflexion. J'ai passé une bonne partie de mon enfance, de ma vie, entourée de jazzmen plus âgés que moi. Ça ne fait pas si longtemps que j'ai des proches qui ont mon âge et qui écoutent la musique qu'écoutent habituellement les gens de mon âge.» Ça prend donc parfois des années pour rajeunir? «Je le crois. Je crois aussi que la vie se charge de vous délester.»

On ne poussera pas la question plus loin, mais le «délestage» dont il est question, c'est notamment la rupture amoureuse avec Lee Alexander, qui fut son bien-aimé, son bassiste, son parolier, compositeur et réalisateur au fil des ans. Plusieurs chansons traitent évidemment du sujet sur The Fall, mais avec une espèce d'humour caustique qui surprend si on n'a jamais vu Norah Jones en spectacle.

Plus électrique

Ceux qui l'ont vue sur scène à Montréal en 2007 se souviennent sans doute de son entrée en matière étonnante: la jeune femme avait commencé son spectacle en chantant son mégasuccès de 2002, Come away with me, en s'accompagnant elle-même... à la guitare électrique. Cette couleur «plus électrique et up tempo», à des années-lumière de l'habituelle «Norah et son piano», on la retrouve beaucoup sur The Fall. «Je ne deviendrai jamais une grande guitariste, explique-t-elle, mais c'est un instrument dont j'aime jouer, notamment avec le band de filles dont je fais partie (The Sloppy Joannes, groupe féminin de country, qui fait suite notamment à ses groupes country Little Willies et punk El Madmo!). Et puis, sur mon tout premier disque, je n'avais composé que deux chansons, mais je les avais composées à la guitare. Je compose toujours à la guitare, jamais au piano.»

«Newyorkcentrisme»

Cela vient notamment du fait qu'elle a vécu pendant des années dans un tout petit appartement où même un piano pour enfant n'aurait pas tenu, explique-t-elle en riant. Car, malgré la fatigue, elle rit, notamment quand elle évoque les reprises qui figurent sur le deuxième CD live de la version deluxe de son album (elle y chante devant public Johnny Cash, Wilco et The Kinks, en plus de trois de ses nouvelles chansons). «Ce sont des genres musicaux qui m'intéressent, qui m'apprennent beaucoup. Comme ça m'apprend énormément d'écrire avec d'autres artistes.» C'est notamment le cas pour l'excellente Young Blood, au texte et à la musique troublantes, écrite avec Mike Martin. Mais qu'on ne s'y méprenne pas: les huit chansons signées uniquement par la New-yorkaise se défendent très bien, notamment quand elle parle de sa ville (le disque est parsemé de références à Manhattan. «On m'a même dit que c'était un disque newyorkcentrique!»). Et on ne pourra pas résister à la dernière chanson du disque, The Man of The Hour, signée Norah Jones, et où l'on comprend que ce fameux man fiable et aimant, c'est un chien!

Des chiens, il y en a en masse d'ailleurs, sur la pochette de The Fall: «J'ai un chien que j'adore et quand on m'a proposé d'avoir l'air d'une espèce de Marlene Dietrich entourée de chiens pour la pochette, je n'ai pas pu résister... même s'il y avait vraiment beaucoup, beaucoup de chiens.» Est-ce que son propre toutou est du nombre des «figurants»? «Non, mais je n'ai pas pris de risque: je ne lui ai pas montré la pochette du disque!»

..........

POP

NORAH JONES

THE FALL

BLUE NOTE/EMI