«Moi, censeur? Jamais de la vie!», se défend Caetano Veloso au centre d'une vive polémique au Brésil où il s'oppose avec d'autres grands noms de la musique, comme Gilberto Gil et Chico Buarque, à la publication de biographies non autorisées.

«Ne sois pas un vieux colonel Caetano, reviens du côté des gentils!», le rappelle à l'ordre Benjamin Moser, auteur d'une biographie sur l'écrivain brésilien Clarice Lispector, dans une lettre ouverte publiée par le quotidien journal Folha de Sao Paulo.

«Qu'arrive-t-il à Caetano, notre idole qui chantait «Il est interdit d'interdire»», et a dû s'exiler sous la dictature (1964-1985), s'interroge également un lecteur du journal.

Les chanteurs-compositeurs Caetano Veloso, Chico Buarque, Gilberto Gil, Djavan, Milton Nascimento et Roberto Carlos s'insurgent contre un recours présenté à la Cour suprême par l'Association des éditeurs de livres qui demande à supprimer deux articles du code civil jugés inconstitutionnels. D'après ces articles, la divulgation d'écrits et l'usage de l'image d'une personne peuvent être interdits par cette personne si cela blesse son honneur ou si cela est réalisé à des fins commerciales.

«Nous ne luttons pas pour une cause corporative. Nous luttons pour le droit de la société de connaître son histoire et ses personnages», a déclaré à l'AFP Fernando Moraes, auteur célèbre de  biographies - comme la vie de la communiste allemande d'origine juive Olga Benario, livrée au régime nazi par le Brésil, ou sur cinq Cubains arrêtés pour espionnage aux États-Unis - qui a apporté son soutien à la cause des éditeurs.

Historiques défenseurs des libertés et poursuivis sous le régime militaire, les chanteurs clament sur la page Facebook de leur groupe «Cherchez à savoir», dirigé par Paula Lavigne, ex-femme de Caetano Veloso, qu'ils ne défendent pas la «censure» mais une «alternative» qui rémunère les «personnes «biographées» et ne viole pas leur vie privée».

«La liberté est belle mais pas infinie», écrit Caetano qui se revendique «libertaire» dans le seul commentaire public qu'il a fait, dans le journal O Globo dimanche.

Gilberto Gil, ex-ministre de la Culture du président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) a critiqué mardi les biographies qui sont devenues des «actifs commerciaux» et «des spectacles médiatiques».

Quant à Chico Buarque de Hollanda, également auteur de romans à succès, il a critiqué mercredi les biographies écrites sans sources sûres.

Audience en novembre

L'éditeur de Chico Buarque, un des plus importants du pays, Luiz Schwarz, s'est rebiffé et accusé les chanteurs jeudi dans O Globo de se «tromper de cibles et d'offenser les professionnels du livre».

La polémique a gagné internet: «L'artiste est avant tout un être humain qui a le droit de préserver son intimité», a posté une admiratrice tandis que pour une autre: «Il est décourageant de voir que des légendes de la musique brésilienne sont contre la liberté d'expression».

L'Association nationale des journaux (ANJ) est montée au créneau pour défendre les éditeurs: «Cela nous touche, si quelqu'un peut interdire à l'avance une biographie pour protéger son intimité, cela peut aller jusqu'aux médias», a déclaré à l'AFP Ricardo Pedreira, directeur de l'ANJ ajoutant qu'il espérait que la Cour suprême tranchera en faveur de «la liberté d'expression ample et sans limite».

La Cour suprême se réunira en novembre lors d'une audience publique pour débattre de la question.

Son président, Joaquim Barbosa, s'est déjà déclaré pour «la liberté totale de publication», soulignant que celui qui cause des dommages est passible de poursuites.

Le ministre de la Justice, José Eduardo Cardozo, a affirmé pour sa part qu'il «n'est pas possible de censurer les publications dans un État démocratique de droit».

Le chanteur le plus populaire du Brésil, Roberto Carlos, a réussi depuis des années à interdire la publication d'une biographie non autorisée sur lui.