Pour ce 20e album en 40 ans de carrière, Zachary Richard a conjugué tradition et modernité en tentant de se concentrer sur l'essentiel. Malgré tout...

«La vie s'acharne sur moi et moi, je m'acharne sur la vie...»

Le projet était déjà entamé quand Zachary Richard a subi un «petit accident» vasculaire cérébral en 2010. Il y a un an, il sort du studio pour un petit tour à bicyclette - avec pas d'casque - et entre en collision avec un camion dans le cimetière Mont-Royal où il aurait pu rester; revenu, en douleurs, sur le sofa du studio, il laisse ses collaborateurs avancer dans la direction «épurée» qu'il avait arrêtée avec son coréalisateur, Nicolas Petrowski, «l'oreille» de la célèbre famille montréalaise.

Mercredi, Zachary Richard terminait la promotion de son vingtième album, Le fou, avant de commencer sa tournée de spectacles le lendemain à L'Assomption... avec une hernie discale qui rend également douloureux mouvement et absence de mouvement.

Zachary Richard n'est pas trop du genre à s'épancher sur les aléas de la vie de l'homme et de l'artiste: «C'est comme ça...» À 63 ans, il sait que l'arbre ne sera jamais que dans ses feuilles et il se concentre sur l'essentiel. Comme il dit l'avoir fait pour Le fou, qu'il aime déjà, lui qui a toujours trouvé plein de défauts à ses disques. «Il y a deux disques, là-dedans: un de musique cajun roots et un d'auteur-compositeur français. J'avais 26 chansons; j'ai pris les 13 meilleures que j'ai voulu livrer d'une manière dépouillée. Pour ça, j'ai déconstruit la musique de mon pays pour en garder l'essentiel.»

Pour cet exercice, l'Américain de la Louisiane s'était entouré de cracks de calibre international - le Français Éric Sauviat à la guitare, le Belge Nicolas Fiszman à la basse, les Québécois Sylvain Quesnel à la guitare et Justin Allard à la batterie - à qui se sont joints ponctuellement des collaborateurs de renom tels le guitariste Sonny Landreth, le violoniste Félix LeBlanc et le percussionniste Paul Picard.

Pour dissiper le doute, précisons que, avec son titre Le fou, l'auteur ne fait référence ni à lui-même ni à un quelconque sauté du bayou mais bien au fou de Bassan, plongeur émérite et amateur de poisson frais. Le premier oiseau sauvé du «Golfe du Mexico» après la catastrophe pétrolière de 2010 était un fou de Bassan, dont la plus grande colonie se trouve au Québec: Dans le golfe du Saint-Laurent/Sur le rocher des oiseaux comme l'auteur appelle l'île Bonaventure. «J'ai toujours soutenu des causes, rappelle le militant qui refuse l'appellation de «chanteur engagé». Toutefois, je ne mets pas mes chansons au service des causes; j'espère juste qu'elles peuvent amener à réfléchir...»

Inspiré par d'autres catastrophes, naturelles celles-là, Zachary Richard a écrit Laisse le vent souffler - Elle s'appelait Hilda/J'en ai déjà vu/Elle s'appelait Katrina - et Crevasse, crevasse sur les grandes inondations de 1927. Dans la catégorie oiseaux, outre la chanson-titre, l'album contient La chanson des migrateurs et Les ailes des hirondelles où est évoqué le caractère «éphémère» de la vie. Un album ornithologique, Le fou? Zachary Richard, homme de chansons plus que de concepts, sourit (un peu) en rappelant que, entre autres intérêts, il est un «miroiseur», un ornithologue amateur, intime du junco et de la paruline.

D'après une idée originale d'Émile, son petit-fils de 13 ans, Papi Zac a composé avec Florent Vollant Orignal ou caribou, manière de quête identitaire menée avec panache: Qui je suis, d'où je viens/Du soir ou du matin. Dans le style cajun roots reconstruit, Le fou propose finalement Cliff's Zydeco, en hommage à Clifton Chénier «le plus grand des musiciens créoles noirs du zarico», La ballade de Jean Saint-Malo, chef des esclaves insurgés de La Nouvelle-Orléans qui mourra sur l'échafaud en 1784, et le traditionnel Bee de la manche, «condamné pour la pénitentière» à cause de la femme à Délina.

Et le spectacle de Fou, ça va ressembler à quoi? «Il y a une tendance ici au Québec, explique Zachary Richard, peut-être sous l'influence de la tradition française, à concevoir des spectacles avec un grand S, avec des chorégraphies et des écritures. Nous, c'est plus simple que ça: on a une liste de chansons et on les joue. De mieux en mieux chaque soir. Très simplement. La vie est déjà bien assez compliquée...»

Dur à battre comme concept...

Zachary Richard présente son spectacle à l'Entrepôt de Lachine samedi soir et à l'Astral vendredi.