On ne pourra pas accuser les anciens membres d'Harmonium de faire de la surexposition médiatique. Parlez-en à Serge Fiori, qui n'en finit plus de se laisser désirer. Et parlez-en à Michel Normandeau, qui fait un improbable retour sur disque... après un silence de plus de 30 ans.

«Je n'ai jamais eu l'impression d'être parti. Mais c'est vrai que j'avais complètement changé de vie», admet le principal intéressé, rencontré pour la promo de Mademoiselle de Paris.

Changé de vie? C'est le moins qu'on puisse dire.

Après son départ d'Harmonium et l'échec de son premier album, Michel Normandeau a quitté Montréal et abandonné la musique. C'était en 1980. Pendant 25 ans, il n'a pas touché un seul instrument. Ce qui ne l'a pas empêché d'évoluer dans le secteur culturel. Devenu haut fonctionnaire à Ottawa, l'ancien hippie a notamment participé à la création du programme Musicaction (aide financière pour les musiciens) avant de passer chez TV5, où il s'est occupé du développement international.

L'ancien d'Harmonium a retrouvé la piqûre de la musique après sa retraite, en 2006.

Accordéon sous le bras, il a d'abord fait la tournée des résidences du troisième âge, avec son bagage de vieilles chansons françaises. «Je voulais faire du bénévolat», dit-il.

Puis l'affaire est devenue plus sérieuse. De fil en aiguille, le tour de chant est devenu un concert, qui s'est lui-même transformé en un «conte musical», basé sur la vie de son grand-père. Il a présenté son spectacle dans une petite salle de Buckingham, puis au Théâtre de l'Île à Gatineau. Le show a tellement bien marché que l'étiquette La Factrie (Charbonniers de l'enfer) lui a offert d'en faire un disque.

Pas de nostalgie

On comprendra, bien sûr, que Mademoiselle de Paris n'a rien à voir avec les Cinq saisons d'Harmonium. Aussi vrai qu'il a changé de vie, l'auteur de Pour un instant n'est plus du tout dans le son «prog-folk» et le trip ésotérique des sept niveaux de conscience. À l'exception de Vert et de Valse 80, deux rescapées de ses années «grano», l'album contient surtout des reprises de vieilles chansons françaises jouées à l'accordéon, comme Petite fleur, L'hymne au printemps, Froufrou et Sous le ciel de Paris.

La saveur nostalgique est indéniable. Mais les fans d'Harmonium achèteront-ils? Ça, c'est une autre histoire.

Michel Normandeau ne semble pas s'en faire. À 62 ans, toutes ses dents mais plus tous ses cheveux, le musicien a surtout voulu se faire plaisir. Il ne renie pas ses quatre années au sein d'Harmonium, au contraire. Mais au risque d'en décevoir certains, il se dit peu intéressé par ce qui concerne son ancien groupe. Parti de la formation en claquant la porte («une grosse prise de bec», lâche-t-il, visiblement peu enclin à aller dans le détail), le musicien n'a pratiquement gardé aucun contact avec ses anciens partenaires, sauf pour d'exceptionnelles raisons, comme cette atroce minisérie de 2003, où son personnage, tout particulièrement, n'était rien de moins que grotesque. De fait, il ne savait même pas que TVA préparait un coffret sur l'histoire de la formation (d'ailleurs, où en est-on avec ce projet, annoncé il y a bientôt trois ans?) et vient tout juste d'apprendre que le bassiste Louis Valois se remettait d'un traitement de chimiothérapie.

«On est tous rendus ailleurs, dit-il, à la fois direct et diplomate. Chacun fait sa vie. On se parle par email quand il faut. C'est correct comme ça.»

Sur une autre note

Oui, il semble assez clair que son époque Harmonium lui est sortie par les oreilles. Et qu'il a encore un drôle de goût dans la bouche. Le fiasco de son album solo Jouer, en 1979, n'a sûrement pas aidé. Et encore moins cette critique assassine du Devoir, où Nathalie Petrowski l'avait comparé à un mollusque. «Les attentes étaient énormes, je ne pouvais que décevoir», dit-il en revenant sur cette période. «Le disque a couvert ses frais, mais je n'avais plus une cenne. Quand mon gérant m'a dit qu'il faudrait que je paye 5000$ pour partir en tournée, j'ai décidé de laisser faire.»

Michel Normandeau n'avait donné qu'un seul spectacle. C'était à Ottawa. Après le concert, il a rencontré une fille... et n'est jamais reparti, trop heureux de retrouver enfin l'anonymat, «loin du milieu musical montréalais» et du blues post-référendaire.

Trente ans plus tard, il y revient par une autre porte. Et un autre genre de musique. Il n'y avait pas d'attentes. Il ne pourra pas décevoir. Dates de concert à confirmer.