Les enfants prodigues du punk californien, Blink 182, sont de retour après des années d'incertitude provoquée par ce qu'on a poliment appelé des «tensions internes». À un mois du lancement de Neighbourhoods, son sixième album et le premier en huit ans, le power trio n'a pas laissé paraître ses anciennes querelles mardi soir dernier, au Centre Bell, offrant 90 minutes bien tassées de pop-punk et de blagues niaiseuses. Comme dans le bon vieux temps, quoi.

Question : a-t-on besoin d'un retour de Blink 182? Pour 11 100 fans, la réponse était tout de même floue. Oui, ça faisait plaisir de réentendre les succès du groupe, mais les quelques nouvelles chansons offertes pendant ce concert sont carrément tombées à plat. Va pour le vieux stock, mais le nouveau aura du mal à convaincre.

Le public de ces Californiens a vieilli et ne semble pas vraiment s'être renouvelé - pas encore, en tous cas. Gars et filles dans la mi-vingtaine, jeunes ados à l'époque de Enema of the State, le plus gros succès discographique du trio (15 millions d'exemplaires dans le monde) lancé en 1999, ont toutefois chanté à nouveaux les refrains rassembleurs des All The Small Things, What's My Age Again? et autres I Miss You qui ont fait le succès du groupe.

Le concert a débuté avec l'annonce au micro du fils du batteur (et star d'une télé-réalité) Travis Barker - pendant tout le concert, le petit bonhomme jouait de la batterie, caché derrière les amplis du guitariste Tom DeLonge! Pendant ce temps-là, sa jeune soeur restait sagement assise près de la batterie de papa, avec son gros casque rose sur la tête pour protéger ses tympans.

Les deux premières chansons ont sonné la charge : retour dans le temps avec l'endiablée (une des inédites de la compilation de 2005) sous un déluge de stroboscope et de ballons de plage, puis les sparages plus sombres et lents de Up All Night et sa longue finale instrumentale, premier extrait de l'album à paraître le 27 septembre.

« Merci beaucoup Montréal! », a alors dit, en français, le dégourdi bassiste Mark Hoppus, qui a échangé les blagues débiles avec DeLonge toute la soirée, comme d'habitude. Blagues inoffensives et souvent en lien avec les parties génitales, que le bassiste (ou était-ce DeLonge) se proposait de planter dans de la poutine... Voyez le genre.

Le groupe a tôt fait de mettre de l'ambiance dans son décor de quartier classe moyenne, enfilant ensuite les bombes The Rock Show et What's My Age Again. Malgré les recommandations affichées aux portes du Centre Bell, oui, mosh pit il y eut, oui, la sécurité a dû extraire du parterre quelques crowdsurfers. Après, malheureusement, ça s'est calmé. Trop de ballades ou de morceaux au tempo modéré : Down, I Miss You, Stay Together for the Kids, les refrains qui roulent tout seul étaient intacts, mais l'énergie juvénile dont Blink 182 s'est fait manufacturier était cruellement absente.

Ça a évidemment repris, après moult blagues entre DeLonge et Hoppus, qui affichaient une franche camaraderie pendant que Barker se préoccupait plutôt de sa progéniture. La hache de guerre, qui avait mis en veilleuse l'avenir du groupe en 2005, semblait enterrée.

Du point de vue strictement musical, c'est toutefois (encore) Barker qui vole le show. Ce type-là n'a pas volé sa réputation du meilleur massacreur de peaux de la scène South-Cal punk. Même les compositions plus banales resplendissent par la rigueur de son jeu. Le tatoué instrumentiste tente même au rappel de remporter la couronne du plus spectaculaire solo de batterie de l'histoire du punk : il s'attache à une chaise derrière une seconde batterie et, soulevée par une immense grue fixée au plafond, escrime avec les cymbales sur des rythmiques hip-hop pré-enregistrées en se baladant au-dessus des têtes des fans au parterre.

Bref, les retrouvailles furent réussies. Reste à voir si le prochain album Neighbourhoods permettra à Blink 182 de refaire un tour de piste de cette envergure.