Après 100 ans d'existence, le concours du Prix d'Europe - organisé par l'Académie de musique du Québec - franchira une nouvelle étape dès l'an prochain en ajoutant un volet «jazz classique» à son concours. Pour souligner cette ouverture et fêter son siècle d'histoire, le Gala du centenaire fera une belle place au jazz dans un programme où l'on entendra, notamment, Michel Donato et l'accordéoniste Marin Nasturica.

«La demande pour une catégorie de prix en jazz est immense en ce moment, de la part des conservatoires et des universités, dit Michel Buruiana, président du comité d'honneur. De plus, on a, à Montréal, un grand festival de jazz. C'est logique qu'on ouvre la porte à ces musiciens qui travaillent fort.»

Le nouveau prix en jazz, toutefois, sera dans une catégorie spéciale, et son gagnant, du moins pour le moment, ne sera pas admissible au grand prix de 30 000 $.

En parallèle, une exposition de photos et de textes sur l'histoire du Prix d'Europe aura lieu à la Chapelle historique du Bon-Pasteur. Et comme les idées ne manquent pas à l'Académie de musique du Québec, on compte aussi lancer une campagne de collecte de fonds pour la création éventuelle d'un nouveau musée de la musique à Montréal, indique Michel Buruiana.

Une riche histoire

La liste des grands musiciens dont la carrière a été propulsée par le Prix d'Europe est longue. Parmi eux, on compte Wilfrid Pelletier, Edwin Bélanger, Clermont Pépin, Jacques Hétu, Colette Boky, Chantal Juillet et Olivier Thouin, entre autres. Parmi les gagnants plus récents figurent Wonny Song (2003), Anne-Julie Caron (2004) et Valérie Milot (2008).

Raymond Daveluy, organiste de l'oratoire Saint-Joseph de 1960 à 2002 et compositeur, a remporté le Prix en 1948. C'est pourtant à New York qu'il a choisi d'aller se perfectionner grâce à la bourse.

«Pendant la guerre, les lauréats n'avaient pas pu aller en Europe étudier et s'étaient tournés vers les États-Unis, raconte-t-il. J'ai invoqué ce précédent pour aller à New York pendant la première année, car je savais que là, je trouverais un orgue qui me convenait pour travailler. J'avais accès à un grand orgue à volonté, ce qui n'aurait pas été possible à Paris.»

Kenneth Gilbert, claveciniste et organiste, est président d'honneur du concours cette année. En 1953, il a reçu le Prix d'Europe en orgue. Joint par La Presse à Paris, il évoque cette étape dans sa vie de jeune musicien. La bourse, alors de 3000 $, n'était pas le pactole, mais suffisante pour passer deux ans en Europe en ayant un train de vie modeste.

«J'avais 21 ans et, à cette époque, il n'y avait pas vraiment d'autre moyen d'aller en Europe pour étudier. Aujourd'hui, il y a plus de bourses, de concours et de possibilités pour les jeunes. Mais en 1953, le Prix d'Europe avait un prestige énorme. Mon séjour là-bas m'a permis de me découvrir comme musicien et de connaître le clavecin. Je n'avais jamais vu cet instrument, car on n'en trouvait pas au Québec. J'ai commencé à en jouer, et l'essentiel de ma carrière comme exécutant s'est fait au clavecin.»

Ce n'est qu'à son deuxième essai qu'il a obtenu le prix, souligne-t-il.

«C'est important de dire que les finalistes sont tous brillants. Ils doivent persévérer même s'ils n'ont pas le prix, car ils ont une chance de faire une belle carrière. Bien que le fait de remporter un concours aide, une carrière de musicien se construit bloc par bloc, à force de travail. Les jeunes qui remportent un prix doivent comprendre que c'est une étape importante, certes, mais en même temps, ce n'est qu'un début.»

_____________________________________________________

Prix d'Europe, du 5 au 10 juin, Chapelle historique du Bon-Pasteur. Gala du centenaire, 12 juin, salle Claude Champagne, 19h30. Horaire de la compétition: www.prixdeurope.ca