Lorsque, fin 2007, le dernier album de Radiohead a été lancé, la stratégie de vente en ligne de cet In Rainbows a fait énormément jaser: on y autorisait chaque utilisateur à en fixer le prix du téléchargement. Qu'en serait-il si un autre album du fameux groupe anglais voyait le jour? Il pourrait en être tout autrement.

Comme ses associés de la firme Courtyard Management, Chris Hufford and Bryce Edge, le Britannique Brian Message croit à la spécificité de chaque carrière. C'est ainsi qu'il s'applique à gérer différemment les trajectoires professionnelles de plusieurs artistes d'envergure. À commencer par Radiohead, dont les stratégies de mise en marché ont d'ores et déjà imposé une vision différente.

On se souviendra aussi que le groupe anglais avait affirmé son indépendance en rompant avec la multinationale EMI et en assumant entièrement la mise en marché de l'album In Rainbows. On se souviendra également n'avoir jamais su les sommes recueillies grâce à ces millions de contributions volontaires...»

«Le groupe tient à ne pas dévoiler ces données», indique Brian Message, joint à Londres avant de traverser l'Atlantique et de se rendre aux Rencontres québécoises de l'industrie de la musique (présentées par l'ADISQ) où il se prêtera aux questions des professionnels d'ici à 15h, demain.

Il n'a d'ailleurs pas l'intention de s'étendre trop longuement sur le cas de Radiohead, préférant suggérer une réflexion plus générale quant à la mise en valeur des carrières d'artistes dans un environnement numérique. Comment, au juste, faire mousser les enregistrements de ses clients sur l'internet? Chose certaine, le manager de Radiohead n'est pas très favorable au déploiement de mesures coercitives destinées à punir les simples citoyens qui font du téléchargement illégal.

«Depuis près d'une génération, les sommes colossales investies pour maîtriser le piratage auraient pu servir à autre chose, croit-il. Au lieu d'être créatif et de saisir les occasions, on a essayé en vain d'exercer un contrôle.»

La revanche de la créativité

Brian Message, aurons-nous déduit, est de ceux qui voient plutôt en la période actuelle une occasion pour les industries culturelles de déployer créativité et imagination.

«Le contexte actuel est particulièrement propice aux musiques indépendantes de qualité, celles qui ne sont pas la résultante d'une fabrication. Ainsi, par exemple, une vidéo dont les coûts de production sont de 2000 $ peut s'avérer plus efficace qu'une autre ayant coûté un demi-million. Ainsi, l'originalité et l'inspiration deviennent des facteurs du succès, bien au-delà des injections de fonds. Je crois fermement que de trop gros influx d'argent dans un projet de groupe peuvent en brouiller la démarche créatrice.»

Brian Message admet néanmoins que les stratégies originales de Radiohead ne peuvent s'appliquer à la foule d'artistes indépendants, qui sont loin de bénéficier de la même visibilité.

«À ce titre, je peux citer l'exemple de Band of Skulls. J'ai découvert ce groupe dans un club il y a quatre ans, je me suis dit wow! Très spécial. Or, les labels anglais ne voulaient pas le mettre sous contrat à l'époque, ne sachant comment l'implanter dans le marché domestique. Personnellement, j'y voyais une occasion globale, mondiale. Il faut trouver les fans là où ils sont, là où les marchés se trouvent. Et il faut trouver les partenaires adéquats afin de planifier une stratégie différente de ce à quoi l'industrie de la musique nous a habitués jusqu'à récemment.»

Brian Message cite aussi l'exemple du groupe électronica Faithless, qui a choisi deux grands partenaires pour la mise en vente de son dernier album au Royaume-Uni, soit iTunes et le détaillant Tesco. Inutile d'ajouter que chez HMV, on n'était pas particulièrement content. Or, selon nous, ça faisait partie d'une stratégie cohérente. Désormais, nous devons varier le plan d'affaires pour chaque artiste. Et les partenaires participants ne sont pas toujours les mêmes.»

Au fait, M. Message, qu'adviendra-t-il du prochain album de Radiohead?

«Honnêtement, je ne sais pas s'il y aura un autre album de Radiohead, répond-il. Je le souhaite vraiment, mais je n'en sais rien. Chose certaine, le concept de la prochaine mise en marché ne pourrait être imaginé qu'avec un album finalisé. Pour In Rainbows, la stratégie ne s'est mise en place que lorsque le groupe s'est senti très à l'aise avec ce qu'il avait créé.»

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Les Rencontres québécoises de l'industrie de la musique se tiennent au coeur du Quartier des spectacles à compter d'aujourd'hui et jusqu'à jeudi. Info : www.adisq.com